Côté Saint-Etienne, ça ne devrait pas s’arrêter là…
Une affaire de plus à Saint-Etienne ? La ville et, a fortiori, ses commerces n’avaient sûrement pas besoin de cela en plus. Depuis quelques jours, la presse locale se fait écho du feuilleton autour de la principale association de commerçants Côté Saint-Etienne. Entre démissions, déficit, redressement judiciaire et subventions, la rédaction de If Saint-Etienne a tenté d’y voir plus clair. Nous avons pu nous procurer les bilans de l’association…
Que se passe-t-il depuis quelques mois au sein de l’association de commerçants Côté Saint-Etienne ? Alors que Sébastien Couturier, son président, a quitté ses fonctions au mois d’octobre, il apparaît que les comptes de la structure sont dans le rouge depuis des mois. La dissolution de l’association a été votée par les adhérents lors d’une assemblée générale ce mardi faute de candidat à la présidence. Mais très vitre, ceux-ci ont appris que cette décision était finalement caduque…
En effet, le 10 novembre dernier, alors qu’il n’occupait pourtant plus ses fonctions de président de Côté Saint-Etienne, Sébastien Couturier* déclare l’association en cessation de paiement, auprès du tribunal judiciaire de Saint-Etienne. Quatre jours plus tard, ce dernier prononce son placement en redressement judiciaire, rendant toute dissolution impossible. « Il y a eu rétention d’informations, car aucune des personnes présentes à lors de l’assemblée générale du mardi 21 novembre n’était au courante de ces démarches », assure une source proche du dossier. Dans sa décision, le tribunal précise que « l’association Côté Saint-Etienne est en état de cessation des paiements puisqu’elle ne dispose d’aucun actif pour faire face à un passif exigible de 25 214,63 euros ».
74 500 euros de déficit
Comment l’association a pu passer d’un résultat excédentaire de 90 012 euros en 2020, à un déficit de plus de 74 500 euros deux ans plus tard ? C’est ce que les commerçants aimeraient savoir, certains d’entre eux se disent même prêts à aller en justice et font état de soupçons, concernant une gestion qu’ils qualifient d’omnipotente, depuis plusieurs mois. Des interrogations partagées par le groupe d’opposition Saint-Etienne Demain, qui avait alerté la municipalité en ce sens dès le mois de mars.
« A cette époque, nous avons dû voter l’attribution d’une subvention de 81 300 euros à cette association, se souvient Pierrick Courbon, élu municipal du groupe SED. L’association nous semblait lourdement subventionnée au regard de la réalité de ses actions et de ce que l’on en percevait sur le terrain. Nous avons demandé a avoir plus d’informations sur son utilisation et plus globalement sur son budget et son fonctionnement. Nous nous étions abstenus lors du vote et le maire en était un peu offusqué, nous accusant de ne pas soutenir le commerce. Seulement, on a quelques précédents qui nous font dire qu’il est possible d’avoir de l’argent sans fournir beaucoup de garanties… »
Communication et déplacements ?
Selon l’élu, ces demandes ont été réitérées à plusieurs reprises, jusqu’à ce qu’il reçoive la newsletter de l’association durant l’été. « Ce déficit de 74 500 euros y était mentionné, ça m’a interpellé, donc nous sommes revenus à la charge auprès de la mairie, et comme nous n’obtenions toujours rien, nous avons saisi la Cada (Commission d’accès aux documents administratifs, Ndlr) au mois d’octobre. » Cette semaine, Pierrick Courbon apprend dans la presse qu’un audit a été lancé par la Ville concernant Côté Saint-Etienne. « Puis, miracle du timing, nous avons reçu hier les documents demandés, bien qu’ils restent extrêmement sommaires », rapporte l’élu.
Il y constate des dépenses qu’il juge exorbitantes dédiées à la communication, et des frais de représentation et de déplacement du président également très élevés. Ainsi, If Saint-Etienne, qui a pu se procurer les bilans de l’association, relève plus de 24 000 euros dédiées aux missions réceptions, entendre par là les déplacements et réceptions. Une somme qui n’atteignait que 74 euros en 2020 (l’association s’appelait alors encore Sainté Shopping), année du Covid certes, mais la somme allouée en 2022 semble disproportionnée aux commerçants.
Subvention suspendue
« Disons que je pense que quand la direction de l’association se rendait sur Paris, elle ne logeait pas à l’hôtel Ibis, estime l’élu. Il se souvient du rassemblement devant la boutique Lacoste au mois de juin, après les émeutes. Sébastien Couturier* , qui avait pris la parole en public, avait laissé entendre que la mairie était arrivée trop tard au chevet des commerçants stéphanois. « S’en était suivi un accrochage entre le président de Côté Saint-Etienne et Pascale Lacour* (adjointe au maire chargée du commerce, Ndlr) qui lui avait dit de faire attention, qu’elle pourrait dire des choses à son sujet et que cela pourrait se finir au tribunal. » Pour l’élu, c’est donc aussi un échec politique pour la mairie, qui, depuis, a suspendu le versement de la seconde moitié de la subvention de l’année à l’association, soit 40 650 euros.
Une prestation de DJ à 9 000 euros ?
Une autre source, tout aussi proche du dossier, confirme ainsi que le président de Côté Saint-Etienne a annoncé, lors de l’assemblée générale du 22 juin, la somme de 60 000 euros, payée par l’association pour créer son site Internet. « Plusieurs commerçants étaient présents et peuvent confirmer que c’est le montant que monsieur Couturier leur a donné. Ça avait d’ailleurs fait bondir tout le monde. Comme le fait qu’un DJ ait facturé 9 000 euros à l’association pour sa prestation. » Sammy Bouali est co-gérant de l’agence Ekypia. C’est la société qui s’est occupée de refaire le dit site Internet. Il ne comprend pas d’où vient ce montant « Il n’y a jamais eu de site Internet à 60 000 euros. Comme pas mal de monde, j’ai lu la presse, et j’ai vu apparaître cette somme. Je ne comprends pas pourquoi nous n’avons pas été contactés, regrette Sammy Bouali. La création du site a été facturée 13 440 euros TTC », assure le co-gérant qui nous a transmis les factures concernant cette prestation. Sa version est d’ailleurs précisée depuis ce début de semaine dans les mentions légales du fameux site web.
Positif en 2023
Parmi les salariés de l’association, deux ont démissionné, et un dernier accuse plusieurs mois d’arriérés de salaires. « Un poste en plus avait été recruté cette année, mais en comptant les salaires et le personnel, il manque 15 000 euros quand on fait le total », assure l’une de nos sources tenant à rester anonymes. Elle ajoute qu’avant l’assemblée générale du mois d’octobre, un compte de résultat intermédiaire, que nous avons pu consulter, a été transmis aux participants. Exit la dette de 74 500 euros, celui-ci fait état d’un excédent de plus de 34 850 euros, en date du 30 septembre, soit 100 000 euros de bénéfices en un an. « Il était le seul à avoir accès à tout et faisait tout pour que cela ne se passe pas autrement. Même la trésorière ne pouvait pas faire de chèque ».
En attendant, l’association existe toujours, malgré elle, et son sort sera décidé par le tribunal judiciaire le 9 janvier prochain.
* Sollicités par la rédaction de If Saint-Etienne, ni Sébastien Couturier, ni Pascale Lacour n’ont donné suite.