Saint-Étienne
lundi 29 avril 2024
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« Au niveau des commerces, Saint-Etienne est une des villes les plus touchées de France »

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Derrière les plus grandes villes du pays, comme Paris, Lyon et surtout Marseille, « Saint-Etienne semble avoir subi le plus grand nombre de commerces pillés et vandalisés », estimait ce lundi matin sa plus importante association de commerçants, Côté Saint-Etienne. Cela, après un premier décompte comparatif des conséquences des émeutes dans ce domaine qui ne se sont bien sûr pas limitées dans notre département à sa capitale. A 12 h, un rassemblement républicain a eu lieu devant son hôtel de ville comme ailleurs.

Place du Peuple ce matin à Saint-Etienne. La préfecture a repris des arrêtés, entre autres, autorisant l’utilisation de surveillance par drone. A Rive-de-Gier aussi. ©If Média/ Xavier Alix

Leur besoin de cohésion sociale semblait ardent. Entre aveu et appel. Comme nous vous le relations il y a 10 jours, plus d’un maire ou élu municipal voyaient dans la perspective du passage de la Flamme olympique dans leur commune le 22 juin 2024, une occasion, apparemment devenue si rare, de générer du lien social entre leurs habitants. Dans la Loire comme ailleurs, le partage d’un projet de vie commun, d’intérêts collectifs suscitant l’adhésion générale n’étaient bien sûr plus une évidence avant la semaine passée tant la société semble se fragmenter toujours plus entre différents groupes, communautés, opinions qui ne se comprennent pas – même si certains pensent tout comprendre – et se disant, se sentant victimes les uns des autres. Les événements qui viennent de se dérouler l’ont peut-être démontré à quel point. De l’Ondaine au Gier en passant surtout par Saint-Etienne mais dans le Roannais aussi, l’embrasement, les agressions, la casse, les incendies, les pillages constatés que ne peut pas justifier une colère sociale aussi légitime qu’elle puisse être, mettent KO.    

En se fiant aux seuls décomptes journaliers de la préfecture de la Loire communiqués depuis le milieu de la semaine dernière, notre département en était dimanche matin à 59 gardes à vue « dont une grande majorité de mineurs » (selon nos informations, le plus jeune a… 10 ans), à la suite d’interpellations depuis le 28 juin auxquelles s’ajoutaient encore 7 nouvelles interpellations la nuit suivante. Dans leur tentative vaine de maintenir l’ordre, les 200 policiers et gendarmes ont subi jets de cocktail Molotov et tirs de mortiers. Les 250 pompiers en intervention ont, eux été agressés lors de leurs interventions, salués à chaque fois par le préfet pour leur abnégation, comme il a salué la « maîtrise, le sang-froid et la fermeté » des policiers et gendarmes ainsi que l’aide apportée par les municipaux. Un summum, du moins on l’espère, a été atteint vendredi soir avec, assure les services de l’Etat 400 personnes semant le chaos dans l’hyper centre de Saint-Etienne et certains quartiers puis encore 300 le lendemain avant la décrue dimanche soir dont ont été malgré tout encore victimes des commerces, bâtiments publics et le mobilier urbain.

Plus touchée que Grenoble ?

Le décompte pourrait être long. On retiendra celui de l’association des commerçants Côté Saint-Etienne, sollicitée par If Saint-Etienne ce matin qui compte 230 adhérents, essentiellement du centre-ville mais dit en représenter 700 sur l’ensemble de la cité via ses partenaires. « Ce n’est bien sûr pas définitif. Juste avant votre appel (ce lundi, milieu de matinée, Ndlr) on vient encore de me signaler une effraction : à la suite de mon propre comptage et des retours que nous avons eu, nous avions dépassé la centaine de commerces au minimum vandalisés, c’est-à-dire avec au moins une vitre brisée. On ne compte là même pas les dégradations et le mobilier extérieur détruits. Une trentaine d’entre eux a été pillé, se désole son président Sébastien Couturier. Et cela dépasse oui, l’hyper centre. Nous avons des comparaisons avec la situation d’autres grandes villes, dans le cadre de notre adhésion à la CAMF qui a échangé avec le ministre Bruno Le Maire et le fera à nouveau demain. Au niveau des commerces, Saint-Etienne est une des villes les plus touchées de France, si ce n’est la plus touchée après Marseille, Lyon et Paris. »

Encore faut-il comparer le nombre d’habitants et la densité, le nombre de commerces en centre-ville, ce qui se passe dans les quartiers périphériques. Il n’empêche que Sébastien Couturier avance une comparaison avec Grenoble où selon lui, une soixantaine de commerces aurait été touchée alors que son centre-ville en compte 1 300 contre environ 900 à Saint-Etienne… Pourquoi ? « Le nombre de casseurs apparemment. Sont-ils de chez nous ? A-t-on bien anticipé la situation à Saint-Etienne ? Pourquoi a-t-on été autant débordé ? Ce n’est pas à nous de répondre à ça, ni même en fait de poser ces questions-là. En revanche, les questions que nous posons, c’est, d’une part, qu’est-ce qui est fait pour nous les commerçants qui subissons sans cesse ces attaques depuis des années et continuons à offrir une animation, à faire vivre les centres-villes et aussi des quartiers ? »

« Qu’est-ce qu’on fait demain ? »

L’autre question, c’est « demain » au sens littéral, entend Sébastien Couturier : « Qu’est-ce qu’on fait demain ? On continue à se barricader, à fermer, à ramener chaque soir sa marchandise pour la sécuriser ailleurs comme ce lunettier que je viens de croiser ? Comment peut-on faire revenir des clients chez nous ? On ne peut pas travailler comme ça. C’est dramatique et c’est ça les questions qui se posent dans l’immédiat, bien davantage que les assurances. » A l’adresse des commerçants stéphanois – et ligériens tout court (des pillages ont eu lieu ailleurs, comme à Rive-de-Gier en particulier) ? -, lors de l’inauguration ce matin des nouveaux locaux stéphanois de la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne à Saint-Etienne, Philippe Valentin, son président à annoncer la mise au point rapide « d’un dispositif de financement d’entreprises de sécurité pour aider les commerçants. Cela commence sur Lyon et nous sommes en train de le mettre en place à Saint-Etienne. Les commerçants ne doivent pas passer la nuit dans leurs magasins, sinon on arrivera à des drames ». La CPME Loire, au delà de la condamnation de ces violences détruisant l’objet et l’outil de travail de ses membres a, de son côté, appelé l’Etat à effectuer un soutien massif des commerçants (fonds de secours, report des échéances du PGE, pression sur les assureurs…) et se dit à disposition des professionnels pour les accompagner.

Nous mettons au point un dispositif de financement d’entreprises de sécurité pour aider les commerçants. Cela commence sur Lyon et nous sommes en train de le mettre en place à Saint-Etienne.

Philippe Valentin, président de la CCI
Lors du rassemblement républicain à la mairie aujourd’hui. ©If Média/ Xavier Alix

Dans l’hypercentre de Saint-Etienne qui commence à cumuler depuis mars de sérieux stigmates, même si déjà, les derniers en date ont été en partie gommés par les services municipaux, avec un cran cependant largement franchi ces derniers jours, comme un seul regard sur la place du Peuple le fait comprendre, les panneaux de bois commencent à sérieusement concurrencer les vitrines en tant que devantures de commerces. Faudra-t-il vivre ainsi ? Alors que selon David Lisnard, président de l’Association des maires de France (AMF), « 150 mairies ou bâtiments municipaux ont été attaqués depuis mardi, une première dans l’histoire du pays », la Loire n’a pas été en reste comme l’a montrée la désolation subie par l’hôtel de ville de La Ricamarie et celles de Rive-de-Gier ou encore de la mairie annexe de Montreynaud. L’AMF a appelé à une « mobilisation civique » et un « sursaut citoyen » en invitant ce lundi à 12 h élus et citoyens à se rassembler sur le parvis de toutes les mairies de France.

Société d’ennemis

Saint-Etienne n’y a bien sûr pas dérogé. Nous y étions. A vue de nez, entre 200 et 300 personnes dont des élus des groupes d’opposition, ont écouté face à eux, en haut des marches de l’hôtel de ville, le discours très général, très solennel du maire Gaël Perdriau, seul orateur, entouré de sa majorité aux adjoints et conseillers pour beaucoup habillés de leur écharpe tricolore et rejoints par le préfet de la Loire Alexandre Rochatte. La Marseillaise a retenti à la suite des mots prononcés par Gaël Perdriau. Tout le long, une douzaine de personnes n’acceptait pas que ce soit lui qui parle, clamant à nouveau haut et fort sa démission, ne s’arrêtant que pour entrecouper cette revendication de quelques « Justice pour Nahel » puis brandissant des panneaux comme « La Police tue », « La République tue », « Pas de Justice, pas de paix ».

A défaut d’échanges violents, un bloc uni face à l’interprétation des événements n’était pas au rendez-vous à 12 h ce lundi devant l’hôtel de ville de Saint-Etienne. ©If Média/ Xavier Alix

Des conversations très « animées » ont d’ailleurs éclaté entre ce groupe et d’autres personnes présentes répondant parfois mais plus discrètement (par opposition ou complément) aux « Perdriau en prison » par des « Mélenchon en prison ». Dans ce qui semble être une autre époque pour Saint-Etienne, « l’avant » août 2022, son maire, dans une de ses tentatives répétées d’obtenir une visibilité médiatique nationale, avait déclaré en février 2021 au sein d’une tribune accordée par le journal Le Monde, « nous avons glissé, imperceptiblement, vers une société d’ennemis ». Effectivement : on y est. Les commerçants stéphanois tenteront de faire bloc, en amis, avec un appel à un rassemblement symbolique devant la boutique Lacoste, cible très régulière de ces enchainements de violence, de la rue Michelet mardi à 19 h.  

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    1 commentaire

    comment laisser un commentaire a la mer qui ne servira a rien car si l’état ne juge pas bon de sanctionner plus séverement les petits delinquants qui deviendront de grosses racailles a quoi bon ! L’état a peut etre un interet dans tout ça ou alors notre systeme de justice est completement dépassé.

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