Redressement judiciaire de Scopelec SA et Setelen : 50 salariés dans l’inconnu à Andrézieux-Bouthéon
Les deux filiales du groupe Scopelec ont été placées en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de Lyon le 26 septembre. Cette procédure intervient à la suite d’une perte, en 2021, de marchés considérables jusque-là confiés par Orange sur le déploiement de la fibre optique et la maintenance du réseau. Elle met fin au PSE lancé en juin. Setelen compte encore 430 salariés, essentiellement dans notre région dont une cinquantaine sur son site d’Andrézieux-Bouthéon…
L’impact exact dans la Loire ? Pas évident à obtenir il y a 9 mois. Qu’il s’agisse des sources syndicales – l’Union CGT Loire, par exemple qui, contactée, ne retrouvait pas d’adhérents de l’entreprise dans le département – ou de la part de la direction de l’entreprise elle-même, refusant nos sollicitations à l’époque pour cause de négociations en cours avec Orange. Ce sont des politiques, le député Génération.s stéphanois Régis Juanico ou encore l’élue municipale d’opposition stéphanoise PS Isabelle Dumestre qui avaient sensibilisé les medias locaux début janvier au sujet de la situation de Scopelec et des dégâts à attendre dans la Loire. Acteur français majeur du secteur des Télécoms, se présentant comme le 1er groupe coopératif français – sur le modèle de la Scop – avec 3 600 salariés (3 800 selon la CGT) à l’aube de la tempête, Scopelec compte de nombreuses filiales dont Scopelec SA et Setelen, environ 780 salariés jusqu’à l’an passé travaillant essentiellement en Auvergne-Rhône-Alpes mais aussi en Franche-Comté et en Bourgogne.
Début 2021, l’un des principaux sites de Setelen (et même son siège social selon les élus ligériens) à Andrézieux-Bouthéon comptait environ 70 salariés. Comme Scopelec SA (environ 700 salariés), Setelen travaille au déploiement de la fibre optique et la maintenance du réseau. Au 31 mars 2022, leurs contrats majeurs avec Orange, passés sur plusieurs années, 25 % du marché, arrivaient à leur terme. Le 16 novembre 2021, l’annonce, dans le cadre de l’appel d’offres RC Centric, par Orange de la perte de 65 % des contrats que Scopelec SA et Setelen détenaient, tombe comme un couperet. Ces contrats passent alors à différentes sociétés dont une est même luxembourgeoise. « Ils représentaient 190 M€, 40 % du chiffre d’affaires du groupe, en 2021 », a précisé à If Saint-Etienne Scopelec, auteur ce 28 septembre d’un communiqué dans lequel le groupe rappelle qu’il a « tenté d’amener l’ensemble des acteurs (privés et publics) du dossier à trouver une solution afin de garantir la pérennité du groupe et l’emploi de l’ensemble des collaborateurs ».
La procédure annule le PSE
Un communiqué (ci-dessus) est publié le 21 janvier 2022 dans la presse (Le Monde, Le Figaro, Les Echos, L’Humanité) et trouve alors un écho médiatique national. L’Etat qui détient 23 % des parts d’Orange dont il est le plus gros actionnaire, est tiré par la manche. Le député ligérien Régis Juanico et le sénateur PS Jean-Claude Tissot avaient d’ailleurs écrit au ministre de l’Economie Bruno Le Maire dès le 14 décembre 2021. Ce dernier leur a répondu le 1er février 2022 (après la publication du communiqué donc) lui signifiant la fatalité des faits autour de l’appel d’offres, le fait que les lots aient été perdu en raison de la « notation technique inférieure » de Scopelec, de ses mauvaises performances mais qu’il se montrerait « particulièrement attentif à la préservation de l’emploi local par les nouveaux attributaires des lots ». On demande à Orange un effort financier pour accompagner cette perte de marchés au nom de l’emploi : 20 M€ auraient été promis selon la direction de Scopelec, pour réorganiser « le marché de la sous-traitance, solder les contentieux en cours et présenter un plan de sauvegarde crédible ».
La somme ne sera en tout cas jamais accordée dit Scopelec. Après avoir procédé à la mise en sauvegarde des entreprises Scopelec SA et Setelen au mois de mars dernier, le Tribunal de commerce de Lyon a donc décidé ce lundi 26 septembre de les placer en situation de redressement judiciaire. Les entreprises candidates au rachat partiel ou total des activités ont jusqu’au 2 novembre pour se manifester. La procédure annule le PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) élaboré depuis la fin du printemps avec les syndicats plongeant un peu plus dans le doute les salariés restants. Car ce PSE ne concernait plus que 500 salariés sur les 1 500 que cumulaient début 2021 les deux sociétés. « Plus de 1 000 personnes sont déjà partis. Certains ont été repris par les entreprises ayant gagné nos marchés (elles n’y étaient pas obligées) et de nombreuses personnes, aussi, ont décidé de quitter le secteur des Telecom avant même la conclusion de l’affaire, explique à If la direction de Scopelec ajoutant, que parallèlement, aux deux filiales, « toutes font l’objet d’un plan de cession ».
« Dégoutés ? Oui, c’est le mot »
On a toujours bien fait le job, contrairement à ce que dit la direction nationale d’Orange
Erkan Ulus, délégué syndical CGT de Setelen
Bref, le démantèlement du 1er groupe coopératif de France est en cours. Le site d’Andrézieux-Bouthéon de sa filiale Setelen a, lui, perdu une vingtaine de collaborateurs en un an. Ils ne sont donc plus qu’une cinquantaine à attendre la suite dans la Loire. « Dégoutés ? Oui, c’est le mot, commente Erkan Ulus, délégué syndical CGT de Setelen que nous sommes parvenus, cette fois-ci, à contacter. Dégoutés parce qu’il n’y a un manque de communication au niveau de notre direction, dégoutés parce que l’on a toujours bien fait le job et que la direction régionale d’Orange nous envoyait des lettres de remerciement à ce sujet ! Je peux vous dire qu’elle a été choquée que sa direction nationale parle d’un travail mal fait pour justifier ça ! Sur le contrat avec Orange, sur 12 millions d’interventions à l’échelle du groupe en plusieurs années, nous n’avons eu que 60 mises en demeure quand Ineo, qui a récupéré une grande partie des marchés en recevaient parallèlement des centaines… »
Selon la direction, « nous étions certes peut-être plus cher mais surtout parce que les gens qui travaillaient chez nous, étaient vraiment formés, équipés et davantage en CDI ». Autre étonnement mis en avant par le syndicaliste Erkan Ulus : « Orange ne veut pas que ses contrats soient exécutés par plus de 50 % de sous-traitants du titulaire. On était à 40 % ! Or, Ineo, ex filiale d’Engie qui a été rachetée par Bouygues une semaine avant le résultat de l’appel d’offres en 2021, était à 90 %… »