Ubac, le versant écoresponsable de la chaussure pousse la fibre jusqu’au bout
Ses chaussures ont d’abord été en laine recyclée. Elles le sont désormais aussi en chanvre, coton recyclé et bientôt en lin. Officiellement basée à Saint-Nicolas-des-Biefs dans l’Allier, à la frontière de la Loire, c’est bien une entreprise roannaise qui est derrière la marque de chaussures éco-responsable « Ubac ». Et derrière encore, le couple d’entrepreneurs trentenaires que forment Mathilde Blettery et Simon Nicolas…
Le cheminement devient marronnier. Un départ pour les études à Paris, un an de travail sur place et, très vite, l’envie de quitter ce monde-là pour se reconnecter à un chez soi qui sied davantage aux aspirations… Pour Mathilde Blettery et Simon Nicolas, 30 et 31 ans, c’était même quelques années avant que le Covid ne fasse emprunter cette voie à beaucoup d’autres. « Avec Simon, on se connaît depuis le collège à Roanne où je suis née. Ses parents avaient plusieurs magasins de chaussure, côté Auvergne. Mais on n’est pas tout de suite partie là-dessus », raconte Mathilde Blettery. Avant la création d’Ubac, « la première idée a été de vendre des produits fabriqués en France en laine bio via des pop-stores (magasins éphémères, Ndlr). Ce qu’il a fait avec des plaids, beaucoup de chaussons haut de gamme ou encore des pantoufles avec d’ailleurs une bonne partie de nos partenaires actuels, comme la société André Calvet, à Castres dans le Tarn. »
C’est là, la genèse d’Ubac : « On portait tous les deux ces pantoufles de laine avec tous leurs avantages – le confort, le côté « thermorégulant » – en se disant que c’était dommage de ne pas pouvoir le faire dehors. L’idée est née comme ça. » Un appel au financement participatif via le site Ulule pour des précommandes valide la faisabilité au-delà des espérances. Depuis écoulée à plusieurs autres milliers d’exemplaires, « Vola », le premier modèle dessiné et composé de laine recyclée, obtient près de 2 000 préachats quand même pas 300 auraient suffi au jeune couple pour lancer l’aventure. Sacré pari réussi : il a fallu le faire, en se greffant à une filière restreinte, celle de la filature mais surtout du recyclage balbutiant de laine exigeant un défibrage méticuleux. C’est dans le Tarn qu’Ubac a trouvé une grande partie de ses sous-traitants, André Calvet à Castres donc mais aussi la Filature du Parc, à Brassac. La fabrication n’est pas 100 % françaises, de l’assemblage étant réalisé au Portugal. Mais les chaussures d’Ubac, très proches des canons des sneakers dans le style, sont présentés comme beaucoup moins nocives pour l’environnement.
10 000 paires écoulées en 2022/23
Pas de solutions autres, pour l’instant, que le caoutchouc en revanche pour les semelles même si Ubac dit travailler à des solutions toujours plus écoresponsables à ce niveau toute en faisant la chasse à toute autre trace de synthétique. Et certes, « nos chaussures ne sont pas faites pour effectuer des randonnées dans la boue mais comme bien d’autres classiques. Leur avantage en plus de préserver l’environnement est de ne pas se déchirer, ne pas boulocher. Elles tiennent : c’est une question de qualité de tissage, comme pour leur imperméabilité à la pluie, pas moindre que des chaussures non spécialement adaptées à la pluie et aux matières classiques, assure Mathilde Blettery. Avec cette différence que la légèreté de nos modèles en laine, par exemple, permet de sécher en une heure si vraiment elles étaient mouillées. » Avec un panier consommateur moyen entre 100 et 110 € la paire, il vaut mieux que les chaussures d’Ubac soient légitimes au rayon durabilité.
Reste qu’avec un succès grandissant, environ 10 000 paires écoulées en 2022/23 pour un chiffre d’affaires d’1 M€ de CA (700 000 € en 2021/22), il semble que cela soit le cas. Depuis Vola, plusieurs autres modèles en laine recyclés sont sortis, Ubac concevant soi-même ses produits. Affectionnant la mode, Mathilde Blettery a appris sur le tas, dans ce domaine comme dans bien d’autres. Mais au sein de ses bureaux roannais situés rue Alsace-Lorraine (le siège social est officiellement à Saint-Nicolas-des-Biefs dans l’Allier, là où habite le couple), sa société emploie aujourd’hui une styliste professionnelle ainsi qu’une autre collaboratrice dans le domaine marketing / web / communication et enfin une personne à mi-temps affectée au service client. S’ajoute un agent au Portugal où se sous-traite donc une partie de la confection, chargé là-bas de l’achat de composants qui conviennent aux ambitions d’Ubac et difficilement trouvables en France.
Des évolutions à venir
« En France, on s’est concentré il y a longtemps sur le seul cuir ou presque alors qu’ils ont maintenu là-bas un savoir-faire incroyable et varié sur la chaussure. » D’autres matières que la laine sont désormais utilisées par Ubac pour créer de nouveaux modèles : chanvre, coton recyclé… Et bientôt le lin. Ubac songe, parallèlement, à transférer à Roanne ses stocks et sa logistique actuellement à Saint-Nicolas-de-Bief et devrait tester sa propre boutique près de ses bureaux roannais, en mode éphémère, de septembre à janvier 2024. Toujours en quête de magasins revendeurs, l’entreprise naturellement très portée sur le e-commerce via son propre site, se porte bien même si le Covid a bien sûr freiné sa marche en avant. Elle vient de revoir ses gammes et leurs appellations, ayant amorcé un travail de simplification en 2021. Ce qui l’amène à viser un chiffre d’affaires entre 1,5 et 1,8 M€ à l’issue de ce processus, c’est-à-dire sur l’exercice 2024 / 2025.
En attendant la concrétisation de cette collection printemps 2024 et le lancement des modèles en lin, baptisés Axolo ou encore de nouveaux, en laine recyclée ainsi qu’en coton recyclé, dénommés Volkan, elle vend actuellement six modèles différents homme / femme : en chanvre (Kana) déjà en coton recyclé (Koto) et donc en laine recyclée (Vola et Terra). Des sandales aussi depuis l’été dernier, en caoutchouc recyclé (Aura) : deux modèles femme, un modèle homme. Le tout accompagné de quelques accessoires – chaussettes, lacets, casquettes -, histoire, comme le fait de pouvoir renvoyé ses chaussures à l’expéditeur en vue de leur propre recyclage, de pousser la fibre jusqu’au bout.