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Pass sanitaire en entreprise : « On risque de se retrouver avec des situations ubuesques »

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Le projet de loi de gestion de la crise sanitaire adopté dimanche 25 juillet ne prévoit plus le possible licenciement des salariés qui ne présenteraient pas un pass sanitaire valide, mais une suspension de leur contrat de travail, sans rémunération. Le Conseil constitutionnel a été saisi à ce sujet et devrait rendre sa décision le 5 août. Et malgré les concessions de la majorité, ce texte risque de créer des situations conflictuelles en entreprise.

Le projet de loi de gestion de la crise sanitaire devrait entrer en vigueur au début du mois d’août. Entre autres dispositions, il prévoit notamment l’extension du pass sanitaire aux salariés au contact du public dans le cadre de leur activité professionnelle. La vaccination deviendra également obligatoire pour les soignants, dès le 15 septembre. À partir du 30 août, les salariés des bars, restaurants, salles de sports, cinémas, grands magasins, transports publics, etc., se verront dans l’obligation de présenter un pass sanitaire valide (schéma vaccinale complet, test PCR négatif de moins de 48 heures, ou certificat de rétablissement de la Covid). Le Conseil constitutionnel ayant été saisi à ce sujet, le texte n’entrera en vigueur qu’après le 5 août, date à laquelle il rendra sa décision. « Le texte érige l’employeur comme contrôleur des choix de se faire vacciner ou non de ses salariés », explique Maître Isabelle Pontal, avocate en droit social au sein du cabinet FTMS. 

Suspension possible du contrat de travail

Si initialement, le premier texte prévoyait un licenciement possible du salarié après deux mois de suspension du contrat de travail, le texte adopté dimanche 25 juillet ne fait plus état de ce délai et d’un licenciement possible à ce motif. Toutefois, ces derniers ne seront pas exempt de sanctions. « Dans ce cas de figure, le contrat de travail du salarié sera suspendu, ce qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, précise l’avocate. La rédaction du texte en l’état pose néanmoins un certain nombre de questions. On va se retrouver avec des situations ubuesques. Les employeurs ne sauront pas s’il s’agit d’un motif de licenciement et les salariés ne souhaiteront pas démissionner au risque de perdre leur droit à l’Allocation de retour à l’emploi. Cela génère beaucoup d’incertitudes ». Les deux parties pourront techniquement se retrouver bloquées. 

« Le texte érige l’employeur comme contrôleur des choix de se faire vacciner ou non de ses salariés »

Maître Isabelle Pontal, avocate en droit social au sein du cabinet FTMS. 

Que dit la jurisprudence ? 

L’obligation vaccinale de certaines professions ne date pas d’hier. Maître Pontal précise en effet qu’il existe une jurisprudence de 2012 sur le sujet. « Un salarié d’une entreprise de pompes funèbres refusait de se vacciner contre l’hépatite B, comme la loi l’oblige, et a été licencié. La cour a considéré que son licenciement était valable. » Toutefois, la suspension du contrat de travail n’était pas prévu par le texte de loi à cette époque.

Par ailleurs, le texte actuel précise qu’après 3 jours de suspension, l’employeur devra convoquer son salarié à un entretien, afin de rechercher ensemble une affectation temporaire à un autre poste dans l’entreprise. Mais là aussi, les modalités qui devront définir et encadrer le déroulement de cet entretien n’ont pas été précisées, et laissent pour le moment employeur et salarié dans le flou. 

D’autres motifs de licenciements évoqués ? 

Pour l’avocate, l’évocation d’un possible licenciement pour inaptitude en cas d’absence prolongée, afin de se séparer d’un employé réticent à la vaccination n’est pas d’actualité. « L’employeur n’est pas maître d’une telle décision. Seul le médecin du travail peut décréter de l’inaptitude d’un salarié, et pour raisons médicales évidemment, sinon ce serait la porte ouverte à de nombreux abus. » Employeurs et salariés devraient en savoir davantage sur les dispositions à prendre après décision du Conseil constitutionnel.

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