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Santé publique : cette gigantesque expérience menée dans les écoles par l’université Jean-Monnet

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Ce programme de recherche, baptisé « Alliance » expérimente depuis 2019 une méthode d’éducation à la racine – c’est-à-dire dans 101 écoles de la région – aux bonnes pratiques de bien-être et santé. Elle a été présentée mercredi par sa foule de partenaires, tous coordonnés par l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne et le professeur Franck Chauvin. 10 000 enfants d’Auvergne-Rhône-Alpes sont concernés.

10 300 enfants de 6 à 11 ans étudiés dans 96 communes pour 101 écoles situées dans le Cantal, l’Isère, la Loire et le Rhône.

« Dites-moi où vous êtes né, dans quelle famille vous avez grandi, quelle éducation vous avez reçue et je vous donnerai votre espérance de vie. » Le docteur Cyrille Isaac-Sibille, député LREM ouest et sud de la Métropole de Lyon, cite là un Stéphanois : le professeur Franck Chauvin. C’est discutant avec ce dernier ainsi que Didier Jourdan, entre autres enseignant à l’Université Clermont-Auvergne au sein du master « éducation et santé publique », autour des signes d’inquiétude mis en évidence dans son rapport consacré en 2018 à la prévention santé des jeunes qu’est née l’idée de monter « Alliance ». Pas de commande du ministère, pas de nouveau rapport parlementaire : ce programme de recherche revendique de « partir du bas ».

Il mobilise 14 partenaires dont 6 institutions d’Etat. Parmi eux, la région académique d’Auvergne-Rhône-Alpes, l’ARS (Agence régional de santé), les universités Jean-Monnet de Saint-Etienne, celles de Clermont-Auvergne, de Lyon I ou encore les Ligues contre le cancer Loire et Rhône. Approuvé par le Comité éthique de l’Inserm en juillet 2019, Alliance a obtenu 420 000 € de financement public dont 200 000 rien que de l’ARS. Préparée en 2018, l’expérimentation de santé publique a été lancée en 2019 à une échelle plutôt impressionnante : 10 300 enfants de 6 à 11 ans étudiés dans 96 communes pour 101 écoles situées dans le Cantal, l’Isère, la Loire et le Rhône.

1 311 enfants de 25 écoles du Forez

Pour la Loire, il s’agit de 25 écoles foréziennes – la circonscription d’un autre député d’En marche, celle de Julien Borowczyk (impliqué comme cinq autres parlementaires), d’ailleurs lui aussi docteur – pour 1 311 écoliers suivis. Les établissements scolaires ont été désigné par un tirage au sort en respectant cependant « des critères territoriaux (urbain, rural) et sociaux (favorisé, REP+) ». Deux écoles sur les 25 de la Loire sont privées (il y en a dix au total). La démarche, scientifique, essaie logiquement de disposer d’un panel sociologique le plus complet possible même si à cet égard on peut s’étonner de l’absence de classes stéphanoises ou roannaises. La moitié des enfants étudiés constitue un groupe témoin qui bénéficiera des dispositifs de l’autre groupe plus tard.    

Moins de la moitié des Français arrive en bonne santé à l’âge de 60 ans.

Professeur Franck Chauvin

Pourquoi cette initiative et pourquoi les enfants ? « Moins de la moitié des Français arrive en bonne santé à l’âge de 60 ans, met sur la table le professeur Franck Chauvin. Et dans notre pays, la notion de santé publique se limite beaucoup trop à celle des seuls soins, à 97 %. Nous pensons que l’on peut faire autrement et en passant par une politique de prévention chez les plus jeunes, à l’école, bien avant le secondaire pour aider à construire un environnement cohérent via l’enseignement. » L’investissement s’avérerait relativement bénin au regard des bénéfices sociaux-économiques. « Nous avons compté 36 000 actions ponctuelles de prévention santé et bien-être dans l’Education, ajoute Cyrille Isaac-Sibille. Mais pour quel suivi scientifique, quelle continuité derrière ? »

« Ce n’est pas un énième dispositif »

Le professeur Franck Chauvin (université Jean-Monnet), Olivier Dugrip recteur de la région académique d’Auvergne Rhône-Alpes, Cyrille Isaac-Sibille, député LREM ouest et sud de la Métropole de Lyon et Antoine Gini, directeur délégué à, l’ARS AuRa.

« Ce n’est pas un énième dispositif, assure Didier Jourdan. Mais l’idée d’un travail pédagogique quotidien s’intégrant aux enseignements d’ailleurs très bien reçue par les équipes éducatives tirées au sort et impliquées, enseignants ou non. » L’académie a donné 12 heures de formation spécifiques à 176 professeurs des écoles concernés pour mettre en œuvre la démarche. « Tout le monde a été remplacé. Une fois en place, il ne s’agit pas de mordre sur les temps d’instruction, souligne Olivier Dugrip recteur région académique Auvergne Rhône-Alpes quand nous l’interrogeons sur le fait que la société en demande toujours un peu plus aux professeurs des écoles… Il ne s’agit pas d’ajouter des activités : les outils pédagogiques sont utilisés à travers l’enseignement en mathématiques, en français, etc. »

« La santé ? Mais ce n’est pas mon rôle », nous répond-on souvent. Il faut se mettre en tête que si ! C’est l’affaire de tous.

Professeur Franck Chauvin

« « La santé ? Mais ce n’est pas mon rôle », nous répond-on souvent, renchérit le professeur Chauvin. Il faut se mettre en tête que si ! C’est l’affaire de tous, dans un intérêt collectif. Et inscrire un socle précoce, c’est décisif. » Les 47 écoles impliquées de façon active dans le groupe intervention de l’expérimentation étaient libres de choisir leur thématique de travail. A ce jour, 18 ont choisi le climat scolaire ou le bien-être à l’école, 10 les écrans, leurs usages et le sommeil, 7 sur l’activité physique, 3 le sommeil, 4 l’alimentation, 2 le « porter secours » et 2 les relations écoles-familles. Les adjoints à la scolarité, les responsables du service des écoles et les agents territoriaux de la garderie, de la cantine, du périscolaire à la santé publique disposent, eux, de « fiches actions ».

Quelle application à l’échelle nationale ?

L’application de cet outillage pédagogique effectuée, l’expérimentation est désormais entrée dans une phase d’analyse scientifique répartissant les tâches entre les universités de Clermont-Auvergne, Lyon I et Jean-Monnet à Saint-Etienne via l’Institut Présages que dirige Franck Chauvin, figure de la santé stéphanoise, spécialiste de la prévention en cancérologie, créateur du Centre Hygée. Il revient d’ailleurs aux Stéphanois l’œuvre de coordination de cet ensemble qui devrait donner lieu à une publication scientifique nationale, voire internationale d’ici quelques mois. Et ensuite ? Faut-il s’attendre à une application d’une méthode éducative à l’échelle nationale dans nos écoles ?

C’est qu’espèrent ses acteurs. « Mais oui, il faudra derrière un portage politique de ce qui découlera de cette expérience novatrice et unique », défend Cyrille Isaac-Sibille. La démarche a été présentée à la ministre Jacqueline Gourault, à des conseillers de l’Elysée, de Matignon, aux ministères de l’Education nationale, à ceux de l’Enseignement supérieur ou encore de la Santé. Mais les responsables de la majorité LREM seront-ils encore en place dans quelques mois ?

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