Echec : « En France, il est encore discriminant, tout comme la réussite est suspecte »
Ce jeudi 4 avril, l’association 60 000 rebonds organise la Nuit de la Résilience, à Roche-la-Molière. Grâce à l’intervention d’intervenants de tous horizons, elle espère ainsi dédramatiser l’échec en général. Si de nombreux pays l’envisagent comme une sorte de passage obligé, la France y voit toujours un synonyme de défaite… Le point avec Marc Rousse, directeur régional de 60 000 rebonds, et lui-même entrepreneur.
Quelle est la vocation de l’association 60 000 rebonds ?
La vocation de cette association, qui existe depuis 2013, est double. D’abord, elle est là pour accompagner les entrepreneurs qui ont vécu la liquidation de leur société. Ensuite, elle œuvre pour changer le regard porté sur l’échec en France, de manière plus générale. Depuis l’enfance, on se rend compte que l’échec est discriminant.
Pour la petite anecdote, les premières entreprises ont été créées durant le milieu du Moyen-âge. Or, si vous ne remboursiez pas votre dû, on considérait alors que vous aviez failli à votre mission. C’est de là que vient le terme de faillite. On estimait alors que vous n’étiez pas fiable et pour le faire savoir, on vous exhibait sur la place du village avec un bonnet vert.
Pourquoi l’échec reste-t-il mal perçu en France ?
Je ne saurais vous dire, cela reste difficile à expliquer et à en trouver les origines. Dans les pays anglo-saxons, l’échec est vu comme une étape, qui va vous apprendre des choses. En France, il est encore discriminant, tout comme la réussite est suspecte. Je dis toujours que l’échec est le signe qu’il faut changer de direction. On part du principe que l’échec, c’est ne pas réussir son objectif, alors qu’un enfant qui essaye de marcher tombe. Pour autant, on ne le colle pas dans son berceau à la première chute en lui disant « ça n’est pas pour toi, c’est terminé, tu restes couché maintenant ». Non, on les encourage à recommencer, et ils s’y reprennent différemment.
Pourtant, après, c’est ce qu’ils vont entendre à l’école, et jusque dans le monde des affaires. Or, on ne progresse que par rapport à nos échecs. Nous vivons dans une société ultra scientifique. Ce sont les échecs qui font progresser la science. Tout ce qui fait les fondements de notre société, c’est donc l’échec.
Vous organisez la Nuit de la Résilience jeudi 4 avril. En quoi cela va-t-il consister ?
C’est la seconde mission de l’association. Nous allons faire intervenir des personnes d’horizons très différents comme une philosophe, un explorateur, etc. L’idée est de dédramatiser l’échec, et cela commence par en parler, en parler, en parler, de partout. Cela pourra contribuer à changer les regards qui sont portés dessus et de rendre cette approche contagieuse. A priori, 120 personnes se sont inscrites pour venir ce jeudi. La Nuit de la Résilience est une initiative qui a été lancée par l’antenne grenobloise, que nous avons choisi d’exporter à Saint-Etienne, et, pourquoi pas, de se donner rendez-vous chaque année.
On part du principe que l’échec, c’est ne pas réussir son objectif, alors qu’un enfant qui essaye de marcher tombe. Pour autant, on ne le colle pas dans son berceau à la première chute en lui disant « ça n’est pas pour toi, c’est terminé, tu restes couché maintenant ».
Marc Rousse, directeur régional de l’association 60 000 rebonds.
C’est à la portée de tout le monde de transformer l’échec en moteur ?
C’est à la portée de tout le monde. Dans la partie entrepreneuriat, il peut y avoir des raisons hexogènes, mais il n’y a pas que cela. J’ai l’exemple d’un entrepreneur, à la tête d’une entreprise de transports depuis 20 ans, avec 30-40 salariés. Arrive le Covid. L’entreprise prend un coup, mais se relève. Puis, vient la hausse du prix des carburants et là, elle ne s’en sort plus et coule. On peut se dire qu’il s’agit de phénomènes hexogènes et que l’entrepreneur n’apprendra pas grand-chose de cet échec. Oui, mais des entreprises de transports de 30-40 salariés, qui ont connu la crise sanitaire puis la hausse du prix des carburants, il y en a d’autres ? Toutes n’ont pas mis la clé sous la porte… Il y a donc quelque chose qu’il a fait ou pas fait contrairement à elles. Là, vous allez apprendre quelque chose.
Si un entrepreneur parvient à identifier son échec, on passe d’une situation désobligeante à une expérience apprenante. Il ne faut pas analyser les choses au mauvais endroit, mais au niveau de son activité. Pour beaucoup, quand tu perds ta boîte, tu perds ton identité. Ça les plombe. Il faut comprendre que nous ne sommes pas ce que nous faisons. Un boulanger n’est pas qu’un boulanger. Cela peut-être un mari, un père, un passionné de course, etc.
Combien de temps dure un accompagnement ?
Au départ, ils signent pour deux ans. Mais en réalité, ils retournent en moyenne au salariat après 13 à 14 mois. Pour ceux qui continuent vers l’entrepreneuriat, on est plus sur du 16 à 18 mois. Et quant à cette deuxième catégorie, ils créent en moyenne, 3,2 emplois à la sortie.