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lundi 29 avril 2024
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Ingénierie des surfaces : avec Malice, le labo Hubert Curien espère aller plus loin

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La réputation du laboratoire CNRS « star » – il emploie à lui seul 220 personnes – de l’université Jean Monnet n’est plus à faire. On ne compte plus les publications scientifiques internationales de prestige et les applications industrielles issues des recherches d’Hubert Curien à coup de lasers dont l’aussi rare que fameux ultra-bref, le femtoseconde. La création, avec l’Inria de « Malice », nouvelle « équipe-projet », sur son campus de Saint-Etienne, vise des progrès majeurs dans l’ingénierie des surfaces en s’appuyant sur « l’intelligence artificielle ». Encore elle.   

Les lasers utilisés dans le laboratoire stéphanois Hubert Curien n’ont rien de commun. ©Université Jean Monnet, image d’illustration du laboratoire Hubert Curien

Obtenir deux « purs » chercheurs aguerris d’un coup, d’un seul et à temps plein, « je peux vous dire que c’est quelque chose de très rare. La volonté d’Inria s’implanter à Saint-Etienne pour créer Malice et les moyens qui vont avec, cela représente un signal très, très fort », garantit Marc Sebban. Et question signal, cet enseignant chercheur en informatique de l’Université Jean Monnet s’y connaît. C’est lui qui dirigera Malice la nouvelle « équipe-projet » d’Hubert Curien créée à Saint-Etienne avec l’Inria. Si « le fait semblait saugrenu il y a 20 ans », relève-t-il – des informaticiens travaillant avec des physiciens -, ce ne l’est plus. C’est depuis longtemps son quotidien au sein du laboratoire actuellement dirigé par Florence Garrelie et dont il est aujourd’hui un des deux adjoints. Cela depuis 2006 et la fusion de son ancienne structure avec le « LTSI » pour constituer l’actuel Hubert-Curien.

Implanté sur le campus Manufacture au nord de la ville, plus qu’une figure de proue, ce labo est un morceau, si ce n’est le morceau, majeur de la recherche stéphanoise dont l’impact et la réputation dépassent largement les frontières hexagonales. Pas seulement pour sa collection de publications dans des revues scientifiques prestigieuses internationales. Plus de 220 personnes (dont 90 enseignants-chercheurs) y collaborent, sinon y passent 100 % de leur temps professionnel. Ses activités ? Pour les principales, elles se développent autour des matériaux et surfaces fonctionnel, des matériaux pour la photonique en environnements radiatifs extrêmes, l’interaction laser-matière, la formation, compréhension et analyse de l’image, la data intelligence, les systèmes embarqués sécurisés et architecture matérielle… Par le biais de cofinancements de projets de recherche, des dizaines et dizaines d’entreprises travaillent ou ont travaillé avec lui.

Des lasers de pointe pour des applications infinies

Deux d’entre elles ont carrément implanté des services R&D permanents via des labos partagés. Comme la société iXblue (groupe Gorgé) en 2019 avec le LabH6. Ou plus récemment, le groupe américain HID avec la création de Lamcid en 2022 autour des documents d’identité sécurisés. Il faut dire que le laboratoire Hubert Curien possède des équipements à griller de jalousie plus d’un physicien de la planète, en particulier ses lasers dont le fameux modèle femtoseconde, ultra-bref, un des plus rares au monde. De quoi travailler, entre autres, sur la modification de la matière afin de lui apporter de nouvelles propriétés en surface et donc, de nouvelles fonctionnalités. Au-delà de légitimes avancées fondamentales, les applications économiques sont potentiellement infinies dans le spatial, l’énergie (une recherche en cours tente d’améliorer la résistance des instruments électroniques en milieu irradié), la sécurité, la santé… Parfois en lien avec des groupes locaux, comme HEF, référence en la matière qui dispose d’un site R&D à proximité en attendant davantage. La participation à ce vaste écrin stéphanois de la sidérurgie de pointe est décisive.

Mais aussi sur le développement des équipements dans le domaine médical. L’apport technologique à la base de la création de l’entreprise stéphanoise Keranova et son outil chirurgical inédit pour opérer les cataractes en est l’exemple emblématique et d’actualité. Santé encore, en 2023, l’université Jean Monnet mettait en avant la mise au point par une de ses équipes d’un procédé d’irradiation par laser ultrabref « permettant de transformer une surface plane en une « forêt de nano-pics » » capables, en gros, « d’empaler » les virus de taille supérieure. De quoi sérieusement ouvrir la voie à une recherche de propriétés virucides via ces nanostructures… Bref, le tableau est aussi dense que brillant. Et ça n’a pas échappé au regard de l’Inria. Derrière cet autre sigle dont le milieu universitaire a aussi la science affutée, il y a « l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique ».

L’IA pour faire sauter des « verrous scientifiques »

Un établissement public à caractère scientifique et technologique de calibre national comme l’est le tellement plus parlant CNRS. Et de « rang mondial », clame-t-il vis-à-vis de ses activités combinant mathématiques et informatique. L’Inria compte « 220 équipes-projets, pour la plupart communes avec les grandes universités de recherche, plus de 3 900 chercheurs et ingénieurs y explorent des voies nouvelles, souvent dans l’interdisciplinarité et en collaboration avec des partenaires industriels ». Inria et Hubert Curien ont bien compris qu’ils pouvaient beaucoup s’apporter l’un et l’autre. Car à l’heure actuelle, la compréhension des mécanismes utilisés par le laboratoire stéphanois, aussi féconds déjà qu’ils soient, est « encore partielle, limitant la capacité des physiciens à concevoir par anticipation de nouvelles fonctionnalités », souligne l’université Jean-Monnet.

Le 26 mars, le laboratoire Hubert Curien et son université célébrait la création de Malice. ©Université Jean Monnet

En s’appuyant sur des connaissances théoriques et algorithmiques solides en informatique, mathématiques appliquées et optimisation, ceux de l’Inria, les membres de l’équipe-projet Malice visent ainsi à « traiter ces verrous scientifiques grâce à leur expertise en apprentissage automatique. Ainsi, la combinaison d’expertises complémentaires en intelligence artificielle et en physique pourra permettre à l’équipe des avancées scientifiques conjointes avec pour objectifs de mieux comprendre les lois physiques sous-jacentes aux mécanismes d’interaction laser-matière ». Et pour ce qui est de l’Inria, de « développer de nouvelles contributions méthodologiques en apprentissage automatique par la prise en compte, dans les modèles guidés par des données, de connaissances physiques. » Malice (pour« MAchine Learning with Integration of surfaCe Engineering knowledge ») est ainsi la 3e nouvelle équipe-projet créée depuis le lancement du centre Inria de Lyon, qui en compte maintenant 17 réparties sur 6 sites.

Le numérique au service de l’ingénierie et vice versa

Dès sa création en janvier 2022, le centre Inria de Lyon dit avoir eu « pour objectif d’ouvrir de nouveaux axes de recherche, aussi bien dans le domaine des sciences et technologie du numérique (calcul, intelligence artificielle, systèmes, réseaux …) qu’à travers des approches pluridisciplinaires en s’intéressant notamment aux interactions avec la médecine, en développant par exemple des méthodes numériques innovantes pour la recherche de nouveaux médicaments candidats. » A travers ce nouveau partenariat avec l’université Jean Monnet, le centre s’engage dans un nouvel axe thématique : le numérique pour l’ingénierie. Malice devient ainsi la 14e équipe-projet d’Hubert Curien chapeautée par six grandes équipes de projets elles même réparties au sein de deux grands départements : « optique, photonique, surfaces » et « science de l’informatique, sécurité et image ».

Outre les deux recrues évoquées en début d’article, six enseignants-chercheurs d’Hubert-Curien y ont été affectés. Réaffectés plus exactement puisqu’ils travaillaient déjà dans d’autres équipes comme pour Marc Sebban, sur « l’apprentissage machine » (« machine learning »), sous discipline de l’Intelligence artificielle. Domaine de recherche émergeant depuis 5 ans faisant appel à la physique, sur lequel il planche depuis plus de 2 ans maintenant. Mardi 26 mars, Inria, l’Université Jean Monnet Saint-Étienne et le CNRS ont ainsi célébré la création de Malice par une visite et une conférence en présence de Florent Pigeon, président de l’université Jean Monnet, Bruno Sportisse, PDG d’Inria et Antoine Petit, PDG du CNRS. Un peu de lumière particulière : cela valait le coup, la particularité de leur rapprochement, assure Marc Sebban ayant « une valeur nationale, voire internationale ». Il est probable que les lois de la physique en sortent sérieusement enrichies. Tout cela depuis Saint-Etienne.

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