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La plus grande colonie de martinets à ventre blanc connue en France vit à Saint-Etienne

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L’installation de cet oiseau migrateur ne date pourtant que des années 1990. S’il vit naturellement sur les parois rocheuses, concernant Saint-Etienne, c’est sous ses toits et dans les anfractuosités de son bâti que cette espèce protégée passe six mois de l’année. Selon la LPO, il s’agit de la plus grande colonie connue de martinets à ventre blanc en France. L’association a sollicité la municipalité pour un plan de sauvegarde voté le 27 juin.   

Martinet à ventre blanc
le Martinet à ventre blanc a été repéré comme nicheur à Saint-Etienne pour la première fois en 1989. ©Alexandre Laubin/Photo transmise par la LPO Loire.

Que fait-il à Saint-Etienne ? Pourquoi s’y est-il brusquement installé il y a une trentaine d’années ? « Bonne question ! », ne répond pas François Jeanne, directeur territorial de délégation territoriale Loire de la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux). Et pour cause : « Nous avons les moyens humains et matériels d’effectuer des recensements d’espèces depuis les années 70. On ne peut trouver que ce que l’on cherche. La présence du martinet noir en milieu urbain à Saint-Etienne était ainsi observée et connue depuis longtemps. Mais on a relevé celle de son cousin, plus grand, le martinet à ventre blanc qu’à partir des années 1990. Impossible de savoir la raison précise de cette brusque implantation : probablement une adaptation évolutive de l’espèce. Mais s’il est autant ici, c’est que, forcément, il trouve à Saint-Etienne des ressources alimentaires et des conditions d’habitat optimales. »

Il trouve à Saint-Etienne des ressources alimentaires et des conditions d’habitat optimales.

François Jeanne, directeur LPO Loire

Tachymarptis melba de son nom scientifique, ressemble un peu à une grande hirondelle avec ses 22 cm de longueur et son envergure de 54 à 60 cm. Mais il est d’une autre famille, celle des « Apodidés ». Comme son nom l’indique, cet oiseau a le ventre et la gorge immaculés, séparés par un collier brun. Les ailes et le dos sont brun-gris. Le martinet à ventre blanc est typique des zones escarpées de montagne et des falaises. Il privilégie pour son habitat les anfractuosités des parois rocheuses et est normalement beaucoup plus rare que le martinet noir, son proche cousin donc, en zone urbaine. Autre différence : le martinet à ventre blanc migre en Afrique tropicale au plus tard en octobre et est de retour sous nos latitudes entre mars et avril alors que la version entièrement noire est stéphanoise d’avril à fin août.

850 sites de nidification comptabilisés en ville

Quand il est en Europe, il n’en occupe que la partie méridionale : Espagne, Pyrénées, pourtour méditerranéen, Massif Central, Alpes (jusqu’au Jura), Italie, Corse et Sardaigne, Grèce, Balkans et Turquie. Enfin, particularité étonnante, l’oiseau passe la majeure partie de sa vie en vol. Jusqu’à 200 jours consécutifs 24 h/24 dans les airs, où il se nourrit d’un volume impressionnant d’insectes tout aussi volants, trouvant même son sommeil et ne s’arrêtant que pour la reproduction ! C’est à des membres de la LPO que l’on doit une connaissance accrue sur sa présence dans le département et à Saint-Etienne. Par exemple, Danielle Dumas à l’échelle de la Loire. A Saint-Etienne, plus précisément, c’est Maryse Hermelin qui s’est lancée dans un recensement systématique en 2019. Un travail toujours en cours d’ailleurs.

Le martinet noir, plus petit et plus commun que son cousin est aussi très présent à Saint-Etienne. ©Andre Habig/photo transmise par la LPO Loire.

« On parle de « recensement », mais il ne s’agit bien sûr pas de revendiquer un comptage et un suivi de chaque individu, précise François Jeanne. La méthode consiste a repéré un site de reproduction. Quand on observe un ou plusieurs martinets sortir et rentrer d’un trou dans un immeuble, on le considère comme un lieu de nidification. » 850 ont ainsi été comptabilisés à ce jour. Ce qui en fait, de loin, selon la LPO la plus grande colonie connue en France. Les dernières estimations1 donnaient une population françaises comprise entre 4 000 et 8 000 couples dont 1 000 à 5 000 couples en Région Rhône-Alpes. Le martinet noir, dont 500 sites de nidification ont parallèlement été repérés, aussi, à Saint-Etienne est beaucoup plus nombreux selon les estimations des mêmes sources : entre 400 000 et 800 000 couples sur toute la France.

Stable mais quand même déstabilisé

La population nicheuse des deux cousins était considérée en France comme « stable » en 2015. Mais les deux espèces, protégées par le code de l’environnement (pas touche à ses nids !), sont malgré tout menacées du fait des conditions météo estivales de plus en plus difficiles entre canicules et intempéries. Ou encore de la perte de leur habitat artificiel qu’est donc notre bâti, fruit apparent d’une évolution adaptative. Car la modernisation, la réfection et les démolitions diminuent en effet la disponibilité en cavités. La LPO Loire, consciente des projets de rénovation urbaine menée par la Ville, avec un nombre de démolitions de bâtiments conséquent régulièrement rappelé par la majorité municipale, a donc sollicité cette dernière en mars afin de mettre en « place un plan de sauvegarde » de l’espèce si présente à Saint-Etienne.

Il ne s’agit pas de ralentir notre politique urbanistique mais de la concilier avec le vivant.

Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne

Voté lors du conseil municipal du 27 juin, ce plan a été budgété à hauteur de 12 300 € (s’ajoutent 5 500 € sur le renouvellement de la labellisation du Refuge LPO de Montaud) pour l’initier en 2022. « Il s’agit d’une convention permettant de finaliser l’état des lieux, de synthétiser, cartographier et numériser les données recueillies, d’étudier ce qui se fait déjà ailleurs sur le sujet comme à Toulon ou Strasbourg, détaille Christiane Michaud-Farigoule, 8e adjointe en charge du développement durable et de la biodiversité. Enfin, nous envisageons des fiches actions et préconisations. » Elles seront destinées au service urbanisme, aux bailleurs et aux entreprises intervenant sur le bâti stéphanois et concerneront aussi le martinet noir.

Éviter les travaux durant les périodes de reproduction

Si vous n’aimez pas les moustiques et encore moins les tigrés, sachez que le martinet en est un grand consommateur. ©Alexandre Laubin/Photo transmise par la LPO Loire.

Faire attention dans le cadre d’une rénovation sera déjà un beau défi. Mais quand le bâti où niche un martinet à ventre blanc est destiné à être détruit ? « On peut recommander d’éviter les périodes de reproduction pour les immeubles où il est présent, projette François Jeanne. Ou au contraire quand il y a une construction, prévoir des nichoirs spécifiques. » « Il ne s’agit pas de ralentir notre politique urbanistique mais de la concilier avec le vivant, appuie le maire, Gaël Perdriau. On a souvent un grand respect pour notre patrimoine architectural. Il faut en avoir pour celui environnemental. » Pour la municipalité, cet oiseau – dont les données relevées alimenteront naturellement l’Atlas de la biodiversité lancé par Métropole – peut aussi devenir un objet de fierté, d’identification, voire de communication. 

Surtout que là où le pigeon est souvent dans le viseur pour ses fientes et autres nuisances, la sympathie qu’inspire le chantant martinet à ventre blanc ne serait, elle, apparemment pas altérée par ses rejets. « Nous n’avons jamais eu de plaintes à ce sujet », note Christiane Michaud-Farigoule interrogée à ce sujet. « Les « nuisances » qu’il provoque sont considérablement moindres et de toute façon limitées dans le temps », confirme François Jeanne. Les projets initiés cette année seront « poursuivis les années suivantes ». Aucune date butoir n’a cependant été fixée au-delà de la convention annuelle votée fin juin.

1 Réf : Issa N. et Muller Y. coord., 2015. Atlas des oiseaux de France métropolitaine. Nidification et présence hivernale (LPO/SEOF/MNHN. Delachaux et Niestlé, Paris, 1 408 p.).

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