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jeudi 7 novembre 2024
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Dans la métallurgie, le besoin de main d’œuvre s’accentue encore

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Elle pèse, à elle seule, 50 % de l’industrie et 12 % des salariés privés du département. Toujours en lutte pour « dé-zolafier » son image, la métallurgie annonce qu’elle a plus de 2 000 postes à pourvoir dans la Loire en 2022. Soit, malgré une conjoncture façonnée d’incertitudes, une hausse de 24 % des besoins selon l’enquête de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) Loire auprès de ses 1 220 entreprises membres*…

L’UIMM continue sa quête : changer son image. Ici son camion de promotion itinérant high tech. Prochaine étape : portes ouvertes mercredi 15 juin à la Cité des entreprises. © If Média/Xavier Alix

Potentiellement, elles auraient pu être le double. Mais faute de profils correspondants, ce jeudi 2 juin, « seulement » 45 entreprises de l’UIMM Loire se disputent la petite soixantaine de candidats inscrits à son Job dating de l’alternance organisé dans ses vastes locaux de la Cité des entreprises de Saint-Etienne. La conjoncture est pourtant « plus compliquée aujourd’hui qu’il y a un an », reconnaît Philippe Rascle, le président de l’UIMM récemment réélu. A la hausse des difficultés d’approvisionnement s’est ajoutée celle galopante de l’inflation. « Au niveau des salaires, elle vient d’ailleurs de donner lieu à des augmentations proches de 3 % par poste en moyenne dans la Loire (l’accord-cadre sur les minimas salariaux est, lui de 3,2 %, Ndlr) assumées par les entreprises. C’est en dessous des 5 % mais elles ne pourront pas, seules, digérer des augmentations tous les 4 mois. »  

Malgré un ciel économique qui a tendance à se couvrir, le secteur de la métallurgie recrute plus que jamais. En 2020, l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) Loire, qui pèse près de 24 500 emplois* (50 % de l’industrie ligérienne), avait perdu 360 emplois. L’effet Covid s’était ainsi avéré relativement limité, amorti par les décisions d’Etat. Si on ignore encore à ce stade de l’année, l’évolution du nombre de postes en 2021, « l’activité était en croissance fin 2021, le plan de relance ayant parfaitement porté ses fruits, note Philippe Rascle. Aussi, entre nouveaux besoins et remplacements à la retraite, notre problème de main d’œuvre s’est accentué.» Selon l’observatoire de l’UIMM il y a un an déjà, 60 % de ses entreprises souhaitaient recruter sur 2021 pour un total de 1 680 postes.

Une hausse de 24 % des postes proposés en un an

Sur 100 postes recherchés, 77 ont trouvé preneur en 2021 (80 en 2020). La difficulté à les pourvoir est plus forte en Loire Nord et sur le nord-est de la Haute-Loire, au sein des entreprises de 10 à 19 salariés. Reconduite il y a quelques mois, la même enquête a donné cette fois-ci 70 % de volonté d’embauche pour 2 080 postes, soit une hausse de 24 % par rapport à il y a un an. Soulignons que l’observatoire a réalisé cette enquête après le début du conflit en Ukraine. Dans le détail, 60 % des propositions émanent des entreprises de moins de 50 salariés, 60 % sont liées au développement de l’activité et 16 % dans le but de palier des départs à la retraite de plus en plus prégnants : 19 % des postes devraient être libérés par des retraités en 2027 !

A peine plus de candidats que d’entreprises présentes au Job dating du 2 juin à la Cité des entreprises. © If Média/Xavier Alix

Ces intentions de recrutement restent avant tout sur des CDI, à 60 % même si – premiers effets de la montée des incertitudes ? – cette proportion perd 4 points par rapport à il y a un an au profit, non de l’intérim (passé de 19 à 15 %), mais des CDD de plus de 6 mois (de 1 à 5 %) et des contrats d’apprentissage (de 11 à 18 %). Les opérateurs de production sont les plus recherchés (380) devant les chaudronniers soudeurs (340) et les techniciens de production (230). Mais ce sont les deux derniers métiers avec aussi les opérateurs régleurs, de maintenance, les électriciens et éléctromécaniciens ainsi que les techniciens de maintenance que l’on a le plus de mal à dénicher. D’ailleurs si les entreprises témoignant de difficultés à recruter sont un peu moins nombreuses qu’en 2021 (88 %), elles restent 85 % dans cette situation en 2022 contre 66 % en 2017.

« Seulement 5 % des emplois au Smic »

82 % établissements évoquent un manque de candidats disponibles, 68 % des profils inadéquats et 70 %… « un manque de motivation ». Car on en est encore et toujours là selon l’UIMM : le secteur continue de souffrir d’une image à la Zola que l’organisation clame comme définitivement révolue. Malgré les déclarations et démonstrations à répétition dans les médias depuis des années. Malgré tout le travail de fonds en termes d’images, les efforts en communication, dans l’organisation ou la participation d’événementiels où l’on espère capter l’attention des parents. Comme aussi, plus récemment, le lancement en mars de 2021 de ce fameux bus itinérant high tech (doté d’un simulateur virtuel de soudure, truffé d’écrans et de gadgets) qui a, depuis sa présentation l’an passé, sillonné des dizaines d’établissements scolaires et d’événements liés à l’emploi. Des centaines de milliers d’euros sont investis par l’UIMM Loire dans sa promotion chaque année.

Sur notre image, il faudra encore une génération pour bouger les choses.

Philippe Rascle, président de l’UIMM Loire

« Mais avec des parents et grands-parents qui transmettent le souvenir d’une époque effectivement difficile pour les employés, celle de la vieille sidérurgie, il faudra encore une génération pour bouger les choses, estime Philippe Rascle. En attendant, on ne réoriente pas assez les demandeurs d’emploi vers nous et le réflexe, c’est encore d’inciter la plupart des jeunes à faire avocat, médecin ou à se tourner vers des filières sans débouchés plutôt que de les encourager à devenir soudeur malgré 3 000 € de salaire brut en moyenne pour quelqu’un d’expérimenté sur ce poste et seulement 5 % des emplois au Smic au niveau national. Alors que nos métiers se sont numérisés, modernisés, que le secteur, très consommateur, s’est résolument lancé dans la transition énergétique, que nous travaillons pour l’aéronautique, l’aérospatiale, le nucléaire, l’agroalimentaire… »

L’extension du CFAI dans l’ex-Forum du Technopôle

Pièce conçue par Setforge, qui compte trois sites dans la Loire dont le savoir-faire intéresse Tesla et SpaceX. ©Setforge.

L’UIMM ne renonce pas, cependant, à aller chercher des jeunes et moins jeunes pour qu’ils se forment du CAP au mastère et diplôme d’ingénieur et manager en passant par le bac Pro, la licence, le BTS. C’est l’une de ses raisons d’être. Outre un AFPI destiné à la formation continue des salariés, l’UIMM compte aussi un CFAI à Saint-Etienne avec environ 900 apprentis. Tandis que 300 autres se forment aussi à tous les métiers de la branche à Roanne depuis 2015. En partenariat avec les organisations de la Drôme et de l’Ardèche, l’UIMM Loire a investi il y a deux ans dans un troisième centre à Valence, qui vise à atteindre les 400 apprentis d’ici 2026. « Nous sommes en mesure de former 1 300 apprentis par an. Notre taux de réussite aux examens est de 90 % avec une insertion professionnelle à 87 % », compte Philippe Rascle.

Pas encore suffisant pour faire face aux besoins. Aussi, alors que « la législation sur l’apprentissage pousse à la constitution de grands ensembles », et ainsi pour éviter, au passage, une absorption par des entités voisines plus grandes, le CFAI de Saint-Etienne, trop à l’étroit, et en partie dispersé dans divers bâtiments à proximité de la Cité des entreprises, va comme nous vous le disions en 2021 créer une extension capable d’accueillir 300 élèves. 10 M€ (tout compris) sont ainsi investis dans la reconversion et l’équipement de la friche qu’est le Forum du Technopôle, à proximité. Il sera d’ailleurs envisagé comme une vitrine technologique du savoir-faire de la branche. Ouverture prévue pour la rentrée 2024. D’ici la fin de la décennie, entre Saint-Etienne, Roanne et Valence, l’UIMM espère atteindre la barre des 2 000 apprentis.

*L’arrondissement d’Yssingeaux, le nord-est de la Haute-Loire est rattaché à l’UIMM Loire. Sur l’ensemble, il compte pour 137 entreprises pour 1 847 salariés.

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    1 commentaire

    « Au niveau des salaires, elle vient d’ailleurs de donner lieu à des augmentations proches de 3 % par poste en moyenne dans la Loire (l’accord-cadre sur les minimas salariaux est, lui de 3,2 %, Ndlr) assumées par les entreprises. C’est en dessous des 5 % mais elles ne pourront pas, seules, digérer des augmentations tous les 4 mois. »

    => Tout est dit.
    Déjà que les salaires sont faibles ; le salarié est donc prié de manger un peu moins ou de ne pas avoir d’enfants. Travailler plus pour gagner moins.

    Mais non, le problème, c’est que les salariés sont des fainéants… Ah non pardon ! Qu’ils « manquent de motivation ».

    Alors que bosser pour un salaire de misère qui ne cesse de se faire grignoter chaque mois et être traité comme un chien, ça devrait motiver, non ?

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