Escape games : en créant Kryptex, Echappe-toi a saisi le savoir-faire stéphanois
Nous vous évoquions en février la création de Kryptex à Saint-Etienne par le groupe canadien Echappe-toi à la suite de la disparition d’Eludice (entreprise dont la reprise fait l’objet d’un autre projet parallèle). Kryptex, déjà sur les rails, a repris une dizaine d’anciens salariés d’Eludice et espère multiplier ses effectifs par cinq d’ici trois ans. De quoi redonner à Saint-Etienne ses galons de capitale française, si ce n’est plus, de la conception d’escape games et de ses décors…
Pourquoi investir ailleurs quand le « capital » humain est là, sous la main, prêt à l’emploi ? Créée en 2015 par David Reiss-Zajtman à Saint-Etienne, Eludice était devenue la référence nationale de la conception d’escapes games – des scenarios jusqu’aux décors, se diversifiant vers les jeux immersifs, voire vidéos – atteignant une trentaine de salariés avant que la crise Covid ne lui brûle les ailes. Mais le savoir-faire stéphanois, lui, ne s’est pas consumé. Et ça, le fondateur du groupe Échappe-toi, le franco-canadien, Emmanuel de Gouvello, l’a tout à fait compris. Il compte d’ailleurs investir 6 M€ sur 3 ans à Saint-Etienne dans le projet Kryptex.
« Les meilleures salles françaises ont été faites ici, à Saint-Etienne par Eludice, assure Emmanuel de Gouvello. Le concept est né au Japon mais le marché européen est bien plus en avance, plus mûr qu’en Amérique du Nord. Et la France se caractérise par un côté très structuré. Avec ses concepteurs spécialisés, capables de donner un produit clé en main à un pur exploitant : de la conception aux décors. Alors, quand nous avons appris les difficultés d’Eludice, et comme nous souhaitions déjà nous développer en France, nous nous sommes rapprochés en septembre de Bruno Pouget (ex co-associé et dirigeant d’Eludice, Ndlr), désormais directeur de la création à Kryptex. Mais à cinq jours de la liquidation, il était trop tard pour mener un projet de reprise à la barre du tribunal. »
Un groupe de 70 collaborateurs derrière Kryptex
Au Québec, Échappe-toi est synonyme d’escape game (on dit « jeu d’évasion » chez nos cousins, par ailleurs – eux aussi – francophones…), « un peu à la façon du frigidaire », s’amuse à comparer Emmanuel de Gouvello. Créé à Montréal en 2014, déjà implanté en France avec un centre à Bordeaux (six salles, 25 000 visiteurs avant la crise), le groupe a survécu au Covid. Il a néanmoins lui aussi souffert, évidemment. Ce qui l’a d’ailleurs poussé à fusionner il y a 9 mois avec Find the key et Vortex Montréal en conservant la bannière reconnue donc d’Échappe-toi mais aussi des positionnements et leurs publics distincts. L’ensemble pèse désormais environ 70 collaborateurs, pour 2,3 M€ de CA attendus en 2022 (4 centres et 23 salles pour 150 000 visiteurs pour la seule ville de Montréal).
Les meilleures salles françaises ont été faites ici, à Saint-Etienne.
Emmanuel de Gouvello, fondateur du groupe Echappe-toi
Le créneau de la conception séparée encore, étranger à l’Amérique du Nord donc et restant à développer ailleurs, laissé presque vacant par la crise – « sur cinq sociétés de plus de 10 salariés dont Eludice qui le faisaient en France, une seule a survécu », assure Bruno Pouget –, Échappe-toi n’a pas hésité. Emmanuel de Gouvello estime que les perspectives dépassent largement les frontières : « On constate que les comportements les goûts des joueurs sont très internationaux. Et puis, au début du phénomène, quand on s’est lancé en 2014, il ne fallait pas énormément d’éléments pour satisfaire les amateurs. Il faut maintenant se renouveler et faire dans du plus sophistiqué, avec une gestion mécanique et électronique des salles complexes. »
6 M€ investis sur trois ans dans Kryptex
Échappe-toi annonce ainsi investir 6 M€ sur trois ans dans la création et le développement de Kryptex. La nouvelle entreprise a repris une dizaine de salariés d’Eludice. « Sur une trentaine, une vingtaine n’était pas originaire de Saint-Etienne. Mais ils souhaitaient restés ici. On a pu rapidement les contacter », note Bruno Pouget, directeur de la création qui, lui, est Stéphanois d’origine, formé à l’école d’architecture l’Ensase. « Dans notre domaine, le réseau, les connaissances, la confiance liée aux premières expériences jouent beaucoup. » Kryptex a donc commencé à relancer le travail dès octobre. Elle s’est installée depuis en location dans 400 m2 à la Chauvetière avec l’aide de Saint-Etienne Métropole dont le vice-président en charge de l’économie, Georges Hallary, a fait part de sa satisfaction sur ce dossier en invitant Emmanuel de Gouvello à le présenter aux médias.
Les choses démarrent très bien. Les clients viennent directement à nous.
Lauriane Scherman, directrice des projets de Kryptex
D’autant plus satisfaisant que Kryptex continue à s’appuyer sur des sous-traitants locaux (à 90 %) et donne de belles perspectives à son activité qui participe à la marque locale qu’est le design stéphanois autour de l’usage. D’ici 3 ans, si tout se passe bien, la filiale d’Echappe-toi devrait atteindre la cinquantaine de collaborateurs. « Les choses démarrent très bien avec cinq projets actifs en ce moment, une dizaine en prospect et bien d’autres contacts pris encore, confie Lauriane Scherman, directrice des projets. L’équipe est très motivée et montre une belle cohésion. Les clients viennent bien davantage à nous pour l’instant que nous venons les chercher. On pourrait atteindre le million d’euros de chiffre d’affaires dès 2022. »
Encore 800 exploitants à prospecter en France
Le marché est parvenu tant bien que mal à globalement passer la crise Covid. Et il y a encore environ 800 exploitants en France. N’aurait-il pas été cependant plus pertinent de se partager le gâteau potentiel via un projet commun avec Elyst Consulting ? Cette entreprise francilienne de conseils en gestion de systèmes informatiques doit lancer sa propre société autour du même créneau à Saint-Etienne Métropole après avoir repris le matériel et le nom de la marque Elucide lors d’une mise aux enchères en décembre. De quoi créer quelques tensions à, ce sujet entre les deux investisseurs.
« Lors des enchères en décembre, nous n’avons pas souhaité renchérir sur leur offre, souligne Emmanuel de Gouvello. Dans mes projets, je suis en général favorable à m’associer. Et nous étions prêts ici, pour commencer, à effectuer une offre commune aux enchères. Nous avons frappé à la porte mais n’avons pas eu vraiment de réponse. Alors pour parler d’un véritable rapprochement, ça ne risquait pas d’aller bien plus loin… »