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Budget du Département : et pour 3,5 M€ de plus… en attendant le pire

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Le conseil départemental, dans sa séance du 21 octobre, a ajouté quasiment 3,5 M€ de dépenses à son budget 2022. Une décision modificative qui servira essentiellement à compenser des dépenses nouvelles sur les charges salariales liées à des évolutions réglementaires nationales. Elles portent cependant en elles les prémices d’une explosion des coûts de fonctionnement liés à l’inflation. Il faut s’attendre à les subir très sévèrement en 2023. Et à terme, au détriment de l’investissement…

L’assemblée départementale fin mars 2022. ©If Média/NB

« Nous ne sommes plus maîtres de notre destin. » Le constat de Georges Ziegler adressé aux médias locaux vendredi matin n’est pas neuf. Mais au fil des ajustements budgétaires, il semble toujours plus prégnant. Préoccupant aussi. Jusqu’où faudra-t-il rogner sur l’investissement porté par le Département, s’interroge son président ? Le discours d’Elisabeth Borne à l’Assemblée des Départements de France (ADF) vendredi 14 octobre à Agen, s’il reconnaît leurs difficultés en cours et, surtout à venir, n’est pas empreint d’une énergie à les rassurer quant au soutien financier de l’Etat sur l’inflation. « L’Etat va atteindre un effrayant 5 % de déficit public et on nous dit à nous, que si nous ne baissons pas nos dépenses de fonctionnement, nous serons pénalisés alors que dans le même temps, ce même Etat rajoute sans cesse des contraintes supplémentaires », ne digère toujours pas Georges Ziegler, contrairement au budget 2022 de sa collectivité.

Le Département a en effet voté vendredi un ajustement de dépenses de 3 493 604,46 € très exactement. Il s’agit, pour l’essentiel, de faire face à 3,11 M€ de dépenses en ressources humaines liées à des décisions de l’Etat sur des « évolutions réglementaires intervenues depuis le début de l’année » : acte II du Ségur de la Santé avec une prise d’effet au 1er avril (estimé à 1,53 M€), son « extension et l’attribution de la prime de 183 € net par mois à certaines catégories de personnel » (travailleurs sociaux et employés du secteur paramédical exerçant dans la fonction publique), hausse du point d’indice à 3,5 % à compter de juillet 2022 (+ 0,74 M€) après une « anticipation de cette hausse » déjà intégrée à une première décision modificative à hauteur de 2 %. Cette hausse du point d’indice concerne également les indemnités élus à qui ont été accordés, aussi 81 000 € « couvrant un complément pour les frais de déplacement » (soit + 160 € par mois et par conseiller).

L’effet inflation commence à se faire sentir

Il y a, enfin, différentes revalorisations : celles des agents de catégorie B au 1er septembre 2022, Smic au 1er août 2022, frais de déplacement intégrant la hausse du barème kilométrique, augmentation de la Garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa) et divers ajustements pour 0,84 M€. Mais à ces dépenses imposées par le contexte national, s’en ajoutent d’autres au rayon fonctionnement : + 390 000 € en moyens généraux pour des « augmentations de surfaces nettoyées » et la hausse des prix de l’énergie ; + 295 000 € en frais de communication en raison de la hausse durable des prix du papier et la transformation du Loire magazine estival en magazine de territoire (Loire Story), diffusé dans la Loire mais également sur la Métropole de Lyon (soit 700 000 exemplaires au total). Une dernière initiative cependant déjà existante en 2021.  

Mais l’effet inflation ne s’arrête pas là : + 595 000 € en voirie dont 515 000 € pour faire face à l’augmentation du prix des pièces détachées, des coûts de main d’œuvre et du carburant et 80 000 € pour l’acquisition de fournitures d’entretien. S’ajoutent 60 000 € de participation en plus versées aux communes et aux communautés de communes sur l’utilisation accrue des équipements sportifs (piscines, gymnases) par les collégiens. Enfin, le Transport des élèves et étudiants handicapés connait, en ce début d’année scolaire 2022-2023, une hausse encore plus importante du nombre de personnes à transporter que ce qui avait pu être estimé en mai dernier (supérieure à 15 %). Soit + 160 000 € de dépenses à inscrire rien que sur 2022.

Des recettes issues de l’Etat compensent en partie sur 2022

Heureusement, la décision modificative compte aussi un ajustement à la baisse de la contribution à verser au fonds de péréquation globalisé à hauteur de 493 804 € conformément à la notification reçue de l’Etat : ce qui abaisse les dépenses de la somme équivalente sans impacter d’autres lignes budgétaires du Département. Contrairement à un autre allègement s’élevant à 623 591,46 € : il s’agit là d’une ligne inscrite au programme « mouvements financiers – études » et ce total était à 73,5 % « projeté » dans l’investissement. C’est là, la seule réelle économie faite au détriment du budget primitif 2022 du Département pour réduire la facture supplémentaire. La collectivité se prive ainsi d’une sorte de « provision » : « Des lignes budgétaires non fléchées pour faire face au financement d’études sur d’éventuels projets imprévus, sinon reportés », précise à If, Hervé Reynaud, vice-président aux finances.

On arrive donc bien à un peu plus de 3,49 M€ de dépenses supplémentaires réelles. Des recettes supplémentaires tout aussi réelles les compensent cependant au centime près. D’abord grâce aux mécanismes des dispositifs… d’Etat. A commencer par un ajustement au titre du Fonds globalisé de péréquation en hausse de 1,088 M€. En effet, le montant du fonds national à répartir est plus élevé que prévu initialement : 1 695 M€ contre 1 600 M€. Ensuite, Fonds de compensation de TVA : « Conformément à la notification reçue, cette recette peut être ajustée à la hausse à hauteur de 551 806,27 € pour la part investissement et à la baisse à hauteur de 15 966,73 € pour la part fonctionnement. »

Le pacte de confiance dans les tuyaux

En hausse aussi, la Dotation globale de fonctionnement : + 144 564 € en raison d’une variation de la population plus importante que projetée. A tout cela, s’ajoutent 240 000 € correspondant au remboursement d’une partie de la subvention accordée au CGAS ainsi que 80 000 € de remboursement d’assurance pour la voirie. L’Etat compense aussi par un abondement exceptionnel à hauteur de 414 079 € les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties. C’est la progression d’une ressource fiscale propre qui comble le reste : + 991 008 € en CVAE (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) du fait d’une activité économique favorable.

Déduction : si les nouvelles dépenses citées ici n’ont, a priori, aucune chance de reculer entre acquis définitifs au niveau des ressources humaines et inflation pour l’utilisation des services, les équipements et les fluides du patrimoine départemental, les recettes qui les compensent, ne présentent, elles, une par une (recette fiscale ou dotations), aucune garantie de maintien en 2023… « D’autant que l’on parle de nous supprimer la CVAE, rappelle Hervé Reynaud. Et qu’après le pacte de Cahors imposé par l’Etat, un pacte de confiance est dans les tuyaux : 15 Md€ d’économie seraient réclamés aux collectivités locales ! Avec cette fois-ci des sanctions sur l’accès aux fonds d’Etat sur les projets. »  

La véritable épreuve est à venir

D’autant plus inquiétant que la véritable épreuve est à venir. Si dans cette décisions modificative, 75 % des dépenses supplémentaires concernent les ressources humaines, l’horizon 2023 n’invite pas à l’optimisme avec « des factures d’électricité qui pourraient bondir, selon les premières estimations de 300 % pour les bâtiments du Département et celles de gaz de 160 % ! », évoquait vendredi matin en conférence de presse Clotilde Robin, vice-présidente à l’éducation et aux collèges. Si sur le même sujet, au niveau la Ville de Saint-Etienne pour ne parler que d’elle, les révélations de Mediapart ont sans doute temporairement mis de côté, ces si « douloureuses décisions » annoncées en juin pour la rentrée 2022, au Département, Hervé Reynaud annonce que le budget 2023 sera précisé à la mi-novembre.

Les factures d’électricité pourraient bondir, selon les premières estimations de 300 % pour le Département et celles de gaz de 160 % !

 Clotilde Robin, 2e vice-présidente du Département

« Ce que je peux vous dire, c’est que nous avions déjà demandé en juillet, dans une lettre de cadrage aux vice-présidents d’anticiper un effort de 0,4 % sur les dépenses relevant de leurs compétences. Ils l’ont fait. Mais cette économie est déjà engloutie par les augmentations constatées depuis ! Comme + 700 000 € d’électricité dans les collèges. » Alors, « si en plus on nous demande d’augmenter des salaires, ce dont je ne conteste pas la nécessité, mais sans nous donner les moyens pérennes… Comment va-t-on faire si les DMTO (Droits de mutation à titre onéreux, Ndlr) reculent de 15 % en 2023 ? », se demande Georges Ziegler. Cette taxe sur les transactions immobilières alimente, entre autres les caisses du Département. Et elle se porte très bien depuis 2020. En 2022 à nouveau, malgré le ralentissement économique puisqu’elle est en progression de 15 % mi-octobre par rapport à 2021 au même stade de l’année.

Pas assez proactif, estime l’opposition

Pierrick Courbon, conseiller départemental PS d’opposition estimait ainsi vendredi en séance, une fois de plus, le Département trop prudent dans sa gestion financière, considérant que cette manne devait davantage être utilisée à des fins proactives plutôt qu’épargnée, justement pour anticiper cette tempête à venir. « Comment le Département se prépare à ça ? Où son plan de sobriété énergétique ? Alors qu’il va demander aux collèges de chauffer à 19° C, est-il pertinent pendant ce temps de financer des canons à neige à Chalmazel ? » L’élu d’opposition estime la politique financière du Département trop axée sur le désendettement au regard du contexte avec un budget primitif qui n’a pas assez anticipé l’inflation et se dégâts à venir, jusqu’aux dépenses sociales supplémentaires puisque davantage de « Ligériens devront davantage le solliciter en raison des hausses de tarifs qu’ils auront personnellement à subir. »

Alors que le Département va demander aux collèges de chauffer à 19° C, est-il pertinent pendant ce temps de financer des canons à neige à Chalmazel ?

Pierrick Courbon, conseiller départemental PS d’opposition

« Les DMTO avaient progressé de 41 % en 2021 à ce stade de l’année pour reculer ensuite de 5 % en novembre. Le même scenario est probable pour 2022 avec une hausse qui serait finalement limitée. Les signaux sur l’immobilier montrent un dynamisme en ralentissement, comme le reste. On ne peut pas parier dessus, estime Hervé Reynaud. Tenons déjà nos engagements signés avec nos partenaires sur les années à venir. Il faut que tout le monde prenne conscience que si nos coûts de fonctionnement explosent, les services à la population, les subventions et notre investissement en pâtiront, forcément. Ce qui signifie des entreprises très impactées ici comme ailleurs avec un fort risque de récession. » Le mot est lâché. Et dans son sillage, d’autres maux encore…     

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