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Endométriose : un tabou en fin de cycle

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L’endométriose concerne 10 % des femmes en âge de procréer et peut s’avérer particulièrement invalidante. Pourtant, elle a longtemps été boudée par le corps médical, laissant les femmes imaginer que leur douleur était normale ou qu’elle n’existait que dans leur tête. Depuis, la parole s’est libérée, la pathologie est de plus en plus connue, et le parcours de soin des patientes vise à s’améliorer. Le point avec le docteur Quentin Reboul, gynécologue-obstétricien à la clinique mutualiste de Saint-Etienne.

Concernant l’endométriose, on parle désormais de prise en charge pluridisciplinaire. De quoi s’agit-il exactement ?

En France, des filiales sont en train de se constituer, régies par l’Agence régionale de santé. Au sein de beaucoup d’entre elles, il y a une filière de prise en charge endométriosique. En janvier 2020 s’est créé un réseau de soins régional appelé EndAura, qui est la contraction d’endométriose et de la région Auvergne Rhône-Alpes. Il est là pour organiser les choses, notamment en matière de prévention et de formation. Il y a aussi une réunion de concertation pluridisciplinaire d’experts une fois par mois. Cela permet de présenter des cas compliqués pour avoir une concertation plus large. Aujourd’hui, cela fonctionne plutôt bien, cela permet de pouvoir travailler tous ensemble, de créer des liens avec différents établissements. Ces réunions sont ouvertes à tous les professionnels et les établissements qui le souhaitent, tout le monde est bienvenu. On peut avoir des chirurgies extrêmement complexes dans l’endométriose, si un chirurgien sent qu’un cas peut dépasser ses compétences, alors il peut présenter cette patiente au réseau régional.

L’endométriose reste méconnue, et sa prise en charge difficile. Pour rappel, les patientes atteintes d’endométriose mettent en moyenne 7 ans avant de se faire diagnostiquer, pourquoi ?

Dans la Loire comme dans beaucoup de territoires, il y avait une difficulté à la prise en charge, à se faire entendre. C’est la résultante d’un phénomène sociétal. Pour schématiser, les problèmes de règles, cela n’intéressait personne. Et puis, j’ai le souvenir que dans les bouquins de médecine, l’endométriose ce n’était qu’un petit encart au fond. C’est heureusement en train d’être amélioré.

« Dans les bouquins de médecine, l’endométriose ce n’était qu’un petit encart au fond »

Docteur Quentin Reboul, gynécologue-obstétricien à la clinique mutualiste de Saint-Etienne.

Où en est-on de la recherche sur l’endométriose ?

La recherche avance. Le fait de parler de plus en plus de l’endométriose a été un beau déclencheur pour avoir des fonds. Il faut d’abord réussir à la comprendre, à savoir pourquoi certaines femmes en souffrent. La recherche a identifié parfois des facteurs génétiques. Mais les facteurs peuvent aussi être liés à l’environnement. Puis il y a des travaux de recherche sur la réponse à savoir pourquoi elle s’est implantée à cet endroit, le corps reconnaît-il qu’il s’agit de l’endomètre ? On pense qu’au lieu de le détruire, car il n’a rien à faire en dehors de l’utérus, certains corps se disent « je ne peux pas détruire un truc qui est à moi ». Par ailleurs, un test salivaire permettant de détecter l’endométriose sera bientôt disponible. C’est un immense espoir car cela va diminuer la complexité du diagnostique. Les autres recherches portent beaucoup sur le parcours de soin, la prise en charge.

Justement, en quoi consiste cette prise en charge ?

Ça paraît bête, mais plus on prend en charge la patiente de manière générale, mieux on fera pour elle. Après la pose du diagnostique on évalue un projet de soin personnalisé de la patiente car toutes n’auront pas un parcours standard, selon l’intensité des douleurs, la nécessité de préserver ou non la fertilité, etc. Et puis, dans l’endométriose, on touche aux douleurs chroniques. Cela induit un cercle vicieux de cette douleur puisque, lorsqu’elle est répétée dans le temps, elle engendre des problèmes de fatigue, on dort moins bien, on mange moins bien aussi. Cela nécessite, comme nous le faisons à la clinique, une prise en charge globale, avec de la neurostimulation pour atténuer les douleurs, des spécialistes de la PMA, des diététiciens. Cela permet de traiter la patiente dans son ensemble.

L’endométriose ne se guérit pas à ce jour. Quels sont les traitements qui existent ?

L’endométriose est une maladie qui a une durée de vie longue puisqu’elle peut se manifester dès les premières règles et jusqu’à la ménopause, voire après. Cela représente en gros 35 à 40 ans de la vie d’une femme, dans une partie de la vie où les challenges sont importants. Les traitements varient selon les patientes, mais globalement ils consistent à bloquer le cycle pour éviter aux lésions de saigner et de se développer dans le ventre. Dans certains cas, cela nécessite également une chirurgie, soit parce que la maladie est devenue trop invalidante, soit parce que la patiente a un projet d’enfant. La chirurgie doit s’intégrer dans une stratégie thérapeutique dans la vie des patientes.

L’endométriose, c’est quoi ?

C’est une maladie gynécologique chronique qui se caractérise par le développement d’une muqueuse utérine (l’endomètre) en dehors de l’utérus, colonisant d’autres organes (péritoine, ovaire, trompe, intestin, vessie, uretère, diaphragme…). Il s’agit d’une maladie complexe, qui se traduit le plus souvent par des douleurs aiguës au moment (et en dehors) des règles, une douleur pelvienne chronique, des ballonnements, de la fatigue et parfois une infertilité. Les douleurs peuvent être très invalidantes et constituer, à terme, un handicap invisible. Il n’existe pas une mais des endométrioses puisque cette maladie ne se développe pas de la même façon d’une personne à l’autre. Aujourd’hui, aucun traitement définitif de l’endométriose n’existe, même si l’hormonothérapie et/ou la chirurgie peuvent endiguer l’évolution de la maladie durant plusieurs années selon les cas.
Selon les données de Santé public France, chez les femmes de 10 ans et plus, le nombre de nouveaux cas d’endométriose tous types observés sur la période 2011-2017 en France entière (à l’hôpital uniquement) s’élevait à 207 462. Sur la même période, le risque d’endométriose hospitalisée tous types chez les femmes de 10 ans et plus a augmenté de 8,5 %, et de 10,4 % chez les femmes de 25 à 49 ans, qui représentaient 68,3 % des cas.

La semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose a lieu du 6 au 12 mars 2023.

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