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mardi 15 octobre 2024
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Ligériens du centre, Ligériens du sud, voilà comment, pourquoi et où vous vous déplacez

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Tout comme 88 000 Altiligériens de l’est, intégrés avec la plupart des Foréziens, des habitants du sud roannais, de Saint-Etienne Métropole et des Monts du Pilat dans la dernière enquête décennale mobilité commune à leurs intercommunalités : 737 000 habitants et 313 communes sont concernés. Volume des déplacements, origines, destinations, motifs et modes de transports utilisé : succédant à l’Enquête ménages déplacements de 2010, ses résultats, qui servent à orienter les politiques publiques, viennent de paraître. Parmi les enseignements, un recul inédit depuis 1992 de la voiture et… des déplacements tout court.  

Le Covid est dans le rétroviseur. Encore lui. Forcément, lancée en décembre 2019, l’enquête décennale mobilité – document obligatoire pour les collectivités autorités organisatrices de transports (AOT), – du Sud Loire a été quelque peu bousculée par le néant ou presque du séisme pandémie, premier épisode. Puis à nouveau par ses sérieuses répliques. D’où une nécessité de la suspendre par deux fois – en particulier du 14 mars 2020 au 14 septembre 2021 – puis de la reprendre, la retravailler pour des conclusions qui n’ont donc pu être publiées qu’au début de l’été 2023 et que vous pouvez retrouver en version complète sur le site d’Epures. L’agence d’urbanisme publique du Sud Loire a naturellement participé à cette enquête très lourde certifiée, comme toutes, par le Cerema. Elle permet aux intercommunalités d’orienter leur politique de mobilité.   

Pour la première fois, le recours à la voiture recule, en particulier à Saint-Etienne (ici la RN88 cet hiver). ©If Média/Xavier Alix

« Il s’agit de la première étude en France post covid de ce type sur les habitudes de transports au sein d’un vaste bassin de vie. On a pris le temps pour que les résultats de cette photographie soient fiables. Ils le sont avec 68 % des personnes interrogées avant la crise sanitaire, 10 semaines d’enquête effectuée avant la crise sanitaire sur 21 », relève Luc François. Le maire de Grand-Croix, vice-président chargé des transports et des mobilités à Saint-Etienne Métropole est l’élu pilote « inter intercommunalités » de cette enquête mobilité, autrefois appelée « Enquête Ménages déplacements », comme lors du dernier opus, le 3e après 1992 et 2001, sorti pour le sud Loire, en 2010. A l’époque déjà, Saint-Etienne Métropole (Sem) ne marche pas seule et fait logiquement ausculter sa mobilité à l’échelle d’un vaste bassin de vie auquel s’associent Loire Forez et une partie du Pilat. Ou encore ce qui correspond à l’est de l’arrondissement de la Haute Loire, aujourd’hui le syndicat Jeune Loire et ses rivières qui fédère cinq intercommunalités du département voisin.

Métropole / Lyon : seulement 3 % des déplacements

Une décennie plus tard, les composantes du périmètre sont sept : Sem, Jeune Loire, Loire Forez, la communauté de communes des Monts du Pilat donc mais aussi Forez Est et les regroupements constitués par les Scot sud Loire et Loire Centre. Ce qui amènent aussi les territoires de la Copler, du Pays d’Aix. Soit 313 communes sur trois départements et 737 000 habitants concernés. Pas de règles précises pour définir qui doit s’associer à qui dans ces études territoriales, l’Etat et la Région (censée superviser la constitution du périmètre) laissant aux collectivités locales la simplicité d’agir avec autonomie pour définir l’échelle pertinente et à quel voisin s’associer. Au total, pour un coût d’environ 400 000 euros, l’Enquête Mobilité certifiée Cerema (« l’EMC2 » puisqu’il faut tout sigler) Saint-Etienne / Loire Sud / Pilat a sondé les habitudes de mobilité quotidiennes – origine, destination, mode de transport, fréquence et motif des déplacements qu’il s’agisse du travail, des études, de loisirs – de 6 188 ménages dont 2 816 en face à face et 3 372 par téléphone. 9 625 personnes de plus de 5 ans ont ainsi été interrogées et 32 886 déplacements décrits.

Infographie issue de l’étude.

Premier enseignement et première surprise : 93 % des 2 389 000 déplacements extrapolés des habitants du périmètre se font à l’intérieur de ce même périmètre. « On ne s’attendait vraiment pas à une proportion aussi forte, concède Luc François. C’est même 97 % à l’échelle de Saint-Etienne Métropole. Nous imaginions des voyages plus nombreux entre cette dernière et Lyon : il y en a seulement 27 000 par jour. » Contre 1 240 500 sur son propre territoire et 75 000 avec Loire Forez, un peu plus de 40 000 avec Forez Est et l’est de la Haute-Loire (c’est 9 700 rien qu’avec le Pilat). Côté motifs, en semaine, un tiers des déplacements est contraint par les activités « obligées » que sont le travail (21 %), les études ou l’école (13 %). 20 % sont liés à des achats, 23 % pour les loisirs et visites aux parents et amis, 5 % pour des démarches. Restent les « déplacements d’accompagnement » qui représentent 17 % de la mobilité quotidienne. A noter que le domicile est logiquement la « plaque tournante » des déplacements puisque 78 % en partent ou y arrivent.

L’usage de la voiture recule enfin

Au chapitre mode de transports utilisé, là aussi surprise. En 2010, les avancées sur les transports en commun de la décennie venant de s’écouler n’avaient pas été suffisants face à celles de la périurbanisation : l’utilisation de la voiture avait encore progressé, presque comme une fatalité. Cette fois et pour la première fois, elle recule. Certes, d’un modeste 2 % sur l’ensemble du périmètre mais avec une stabilité notable et inédite au niveau des allers-retours depuis les zones périurbaines et carrément une baisse de 7 % de son recours à Saint-Etienne intramuros. A l’échelle de l’ensemble du périmètre, la voiture particulière (en tant que conducteur ou passager), est utilisée à 62 % pour se déplacer, suivie de la marche (28 %), des transports en commun (8 %), du vélo et associés (comme les trottinettes) à seulement 1 %, les autres modes étant regroupés dans un « divers » fort de 2 %.

Infographie issue de l’étude.

A l’échelle de Saint-Etienne intramuros, le recours à la voiture particulière est passé de en 10 ans de 44 à 37 %, la marche a progressé de 40 à 46 %, les transports en commun de 13,7 à 14,6 %, le vélo rétrécissant son déjà petit 1 % à 0,8 %. Si on estime le parc de voitures à 430 000 sur l’ensemble du périmètre, 17 % de ses ménages n’en aucune à disposition (y compris dans les zones les moins urbanisées avec 9 % minimum) quand c’est le cas d’un tiers d’entre eux à Saint-Etienne. Côté jours les plus prisés pour se déplacer, la baisse est notable le week-end avant tout le dimanche, le samedi étant très proche des jours de la semaine avec respectivement 3,11 déplacements par personne interrogée en moyenne contre 3,5 du lundi en vendredi en moyenne. Logiquement, la motivation achat (38 %) et loisirs (43 %) y sont largement en tête. Cela alors qu’un tiers des actifs travaillent régulièrement le samedi.

Les Sud Ligériens se déplacent moins qu’en 2010

Autre enseignement très notable de cette enquête, une baisse de la mobilité qui concerne tous les territoires, avec une moyenne de – 0,3 déplacement par personne par rapport à 2010. Ce sont d’abord les populations plutôt jeunes et actives, les scolaires et étudiants, surtout que la mobilité des plus âgés est, elle, plutôt en hausse. Saint-Etienne Métropole estime qu’il s’agit d’une tendance nationale en donnant des comparaisons avec les seules villes de Marseille (- 0,5 de 2009 à 2020) et Grenoble (- 0,2 de 2010 à 2020). Conséquences du télétravail, de la rupture Covid ? « Non, on exclut là le point mort qu’a été le confinement et le développement du télétravail, lui, ne joue qu’un rôle très marginal dans cette baisse, répondent les services de Saint-Etienne Métropole. La baisse semble beaucoup plus liée à une évolution sociale : l’augmentation des journées continues à l’école, au recul de la mobilité professionnelle (dans les sens des déplacements depuis son lieu de travail, Ndlr) et à celui des motifs de transports qui ne concernent pas le motif principal, les loisirs par exemple. »

La baisse des déplacements semble liée à une évolution sociale : l’augmentation des journées continues à l’école ainsi qu’au recul de la mobilité professionnelle.

Saint-Etienne Métropole

Le « temps de midi » voit donc la demande de déplacements en baisse. A l’opposé, la période de pointe du matin était bien plus marquée en 2021, à la sortie du Covid qu’en 2010. Mais si vous avez paradoxalement l’impression de subir plus d’embouteillages, vous avez probablement raison : il y a, globalement, moins de circulation de voitures sur une journée mais davantage en circulation aux heures de pointe le matin et le soir. Bien qu’elles en fassent émerger des tendances, l’évolution sociologique esquissée par l’enquête n’en est ni une fin ni un de ses objectifs. Elle doit guider les choix des politiques sur les investissements publics en matière de transport. Au niveau de Saint-Etienne Métropole, une stratégie sur le réseau de transports en commun avait été déterminée précédemment en 2017 et le sera à nouveau en 2024. Luc François estime que les datas qui s’accumulent depuis ces dernières confortent les choix effectués il y a 7 ans.

Des choix à faire, des défis à relever

Saint-Etienne Métropole, à la lecture des dernières tendances estime que ses choix vis-à-vis de la Stas ont été bons. ©Saint-Etienne Métropole

« En 2019, le réseau Stas a connu un niveau de fréquentation historiquement haut. La reprise de la fréquentation en 2022 y a été bien plus significative et rapide que dans la plupart des grandes agglomérations de France. » Aussi, en attendant la consolidation et la présentation complète et officielle des chiffres de la Stas à la rentrée, « le rythme d’augmentation sur les six premiers mois de 2023 approche, voire dépasse largement sur certaines lignes celui de 2019 : pour les lignes de bus M1 (Ondaine/Saint-Etienne) et M5 (Gier/Saint-Etienne), on est même à + 100 % et + 120 %. Nous en déduisons que nos usagers ont énormément besoin de ce réseau et de plus en plus. Nous en déduisons que créer une 3e ligne de tramway qui lève, en plus des investissements immobiliers privés autour d’elle, était aussi un bon choix (l’investissement a été et continue à être très critiqué par une grande partie de l’opposition politique stéphanoise, comme l’ex-maire de Saint-Etienne Maurice Vincent la jugeant « inutile »). »

La 3e ligne de tramway, c’était le bon choix, comme nos investissements dans les trolley bus ou la tarification sociale.

Luc François, vice-président aux transports de Sem

Les chiffres devraient donc être communiqués à la rentrée, « toutefois, je peux vous dire que sa fréquentation a explosé en 2023. Il a fallu un peu de temps mais les gens commencent à se l’approprier et à saisir pleinement ses avantages, y compris quand vous venez de l’extérieur puisque vous pouvez facilement laisser votre voiture dans les parkings autour de Geoffroy-Guichard. C’était le bon choix, comme nos investissements dans les trolley bus ou la tarification sociale ». Restent des points noirs : le vélo qui a pataugé de 2010 à 2020 (à voir ce que donnera, sur le long terme, les VéliVerts électriques dans un tissu urbain à cette échelle « atypiquement » vallonné). Ou encore, pointé par les écologistes stéphanois auprès d’If récemment, le fait qu’il reste plus qu’ardu alors même que les lignes M1 et M5 voient leur fréquentation exploser, de se rendre efficacement à Saint-Etienne via la Stas depuis l’Ondaine ou le Gier. « C’est vrai, reconnaît Luc François. Et ce sera un de nos défis d’améliorer la vitesse d’exploitation de ces lignes. Il faut pouvoir leur faire gagner 10 à 15 min. »

Les limites d’une photographie

Et aussi, permettre aux habitants des périphéries de rejoindre leur point de départ et d’y laisser facilement leur véhicule. L’élu se défend cependant de tout triomphalisme : « Sincèrement, vis-à-vis de la mobilité, j’ai parfaitement conscience à quel point il faut faire preuve d’une grande humilité tellement les tendances, les pratiques de la population peuvent changer, doucement, sinon brusquement. Maurice Vincent, il y a une dizaine d’années, voulait faire le choix des Bus à haut niveau de service (BHNS) plutôt qu’une 3e ligne de tram. Il avait sans doute ses raisons solides à ce moment-là et il est tout à fait possible que si j’avais été dans son équipe, j’aurais adhéré et défendu la même idée pour ces mêmes raisons. Dans mon contexte et avec ce que nous savons, ça n’a pas été le cas. » L’enquête mobilité a le défaut d’être une photographie : le temps de décider et concrétiser à partir d’elle un aménagement – au bout de 2, 3 ou 4 ans –, celui-ci peut être déjà obsolète. Jusque-là, il n’y avait cependant rien de mieux comme base de travail. Mais là aussi, les choses devraient bouger… C’est l’objet de notre encadré, là, juste en dessous.

Saint-Etienne Métropole, objet d’une méthode d’analyse révolutionnaire

Trans.Cités, association nationale réunissant des élus et des techniciens autour des transports publics que préside Luc François, vice-président à la mobilité de Saint-Etienne Métropole, a noué un partenariat sur un programme de recherche disruptif.

Mené par Jean Coldefy et Jacques Levy (prix Vautrin-Lud 2018, équivalent du prix Nobel de Géographie) afin de mettre au point un modèle dynamique d’enquête déplacements permettant de résoudre l’obsolescence parfois rapide des données collectées tous les dix ans. Un modèle mathématique développé à partir des données mobiles d’Orange permettant de relever des informations en temps réel sur le déplacement de ses abonnés. Parmi les membres de Trans.Cités, la société Transdev derrière la Stas. Saint-Etienne Métropole a donc été avec l’agglomération nantaise, l’un des deux terrains d’expérimentation en 2022 de cette méthode.

Elle a fait l’objet d’une publication fin juin dans la prestigieuse revue scientifique internationale Science. Les résultats seront présentés en détail aux membres de Trans.Cités, à la rentrée aussi. Pour Luc François, la méthode va révolutionner la capacité d’adaptation des politiques publiques de transports et les délégations de services publics allant avec. Pas seulement pour décider de la création d’une infrastructure mais aussi pour adapter en temps réel les moyens mis sur tel ou tel ligne à un moment X ou T.   

  

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