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dimanche 28 avril 2024
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Cosem ferme à Saint-Etienne : « Pourquoi les offres de reprise ont été écartées ? »

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Révélée mercredi par nos confrères du Progrès, la fermeture du Cosem de Saint-Etienne provoque l’ire de l’opposition municipale qui rappelle son scepticisme exprimé depuis des années sur ce projet privé. Mais aussi une communication qu’elle juge abusive de la part de la majorité sur cette solution contre les déserts médicaux facilitée par ses soins. Côté majorité, If apprend ce jeudi qu’elle a envoyé un courrier au Tribunal de commerce de Paris – l’affaire est nationale, 4 autres centres ferment – mettant en copie Emmanuel Macron et son gouvernement. Trois plans de continuation ont en effet été écartés ! Et sans raison valable selon cette lettre…  

Hall d’accueil du Cosem : les anciennes galeries Dorian étaient devenues méconnaissables. ©If Média/Xavier Alix

Au prochain conseil municipal, ils ne vont pas les rater. Gaël Perdriau et son adjoint à la santé Patrick Michaud seront fatalement mis sur le gril à propos de la fermeture annoncée par nos confrères du Progrès du Cosem Saint-Etienne. Le maire avait communiqué avec beaucoup d’enthousiasme à partir de l’automne 2020, une fois acquis l’investissement de la Coordination des œuvres sociales et médicales (Cosem), organisation nationale sous statut associatif loi 1901 ne cessant d’ouvrir des centres du même type dans tout l’Hexagone ces dernières années. Il faut dire que son projet d’ampleur à Saint-Etienne promettait, à terme, la présence de 75 praticiens dont 25 dentistes. De quoi régler à la fois (au moins en partie) la problématique du désert médical urbain et celle de l’immense dent creuse des Galeries Dorian, à deux pas de l’Hôtel de Ville. centre commercial qui n’est jamais remis du départ de la Fnac en périphérie.

Initialement annoncée pour 2021 par la Ville de Saint-Etienne, l’ouverture du centre Cosem a finalement eu lieu en mai 2022. Mais quatre mois plus tard, il ne comptait la présence permanente ou partielle que de seulement 27 médecins dont 12 dentistes et de cinq professionnels paramédicaux. A cette occasion, nous avions interrogé Daniel Dimermanas, alors directeur général de Cosem au niveau national. Donnant des explications sur le retard de l’ouverture, il s’était montré très rassurant et confiant dans « la montée en puissance » du Cosem, qu’il s’agisse de son recrutement ou de sa fréquentation, constatant sa pertinence puisqu’il répondait à une demande forte dans le centre-ville stéphanois. La fréquentation aurait été immédiate, au rythme de 250 consultations par jour en septembre 2022. « Ce qui n’est encore rien », commentait alors le directeur de Cosem. Il en profitait pour défendre un modèle présenté comme idéal vis-à-vis de déserts médicaux, libérant les professions médicales de l’administratif et, enfin à caractère « non lucratif » puisque associatif.

4 ans de scepticisme exprimé par l’opposition

En avril 2023, on apprenait, grâce à la cellule investigation de Radio France que Daniel Dimermanas dont l’association à cette date là était gestionnaire de 17 centres de santé privés en France était visé par un signalement pour « détournement de fonds publics ». Les représentants du CSE (comité social et économique) avaient adressé un signalement au Parquet national financier (PNF) quelques jours auparavant. Radio France précisait qu’ils y avaient répertorié « toute une liste de “malversations financières présumées” pouvant relever d’un “détournement de fonds publics”, de “prise illégale d’intérêts” et “d’abus de confiance”, selon l’avocat Jérôme Karsenti, qui assiste les lanceurs d’alerte du Cosem. “Les membres du CSE ont mis en évidence l’accaparement, par une famille, de fonds publics qui ne sont plus affectés à la santé des gens qui viennent consulter, mais qui servent à accroître leur richesse. »

Une friche de plus pour Saint-Etienne à partir du 29 février ? ©If Média/Xavier Alix

Rappelons que ce poids lourd du secteur ne paie pas de dividendes à des actionnaires certes mais qu’il est financé, au nom de sa mission de service public, grâce aux remboursements de soins de la Sécurité Sociale. Comment ne pas voir un lien entre cette affaire et l’annonce d’un redressement judiciaire (procédure économique pris en charge par le Tribunal de commerce de Paris) de Cosem, un mois après sa révélation, en mai 2023 ? Ce jeudi, le groupe d’opposition municipal Saint-Etienne Demain rappelle, communiqués et extraits d’échanges de conseils municipaux à l’appui, son scepticisme depuis le début à propos de Cosem. De l’automne 2020 jusqu’à janvier dernier, les élus d’opposition socialistes ont pointé à plusieurs reprises une communication jugée abusive de Gaël Perdriau (interprétée comme de la « gloriole » et de l’« autosatisfaction ») au regard des résultats (moins de la moitié des effectifs annoncés), du retard de l’ouverture, répétant qu’un centre médical directement pris en charge par la municipalité – en salariant des professionnels – comme à Riorges était plus pertinent. Option « balayée d’un revers de main » agrémenté de « dédain » et « mépris », disent-il

« Ils leur ont menti, comme à nous »

Le 29 janvier, lors du dernier conseil municipal en date de Saint-Etienne, ils pointaient le fait que Patrick Michaud, adjoint à la santé avait déjà répondu précédemment à leurs interrogations par un : « Il n’y a aucun risque de fermeture des centres COSEM ». Avant de poser à nouveau la question à propos de sa pérennité avec le redressement judiciaire de Cosem. Patrick Michaud avait alors à nouveau répondu qu’il n’y avait pas de risque de fermeture au regard de son activité montante (150 000 actes médicaux et dentaires réalisés en 2023 avec moins de la moitié des effectifs prévus à terme). Contacté par If Saint-Etienne ce jeudi, l’adjoint à la santé, lui-même médecin, s’explique : « Je n’ai pas dit ça au hasard mais parce que moi-même étant inquiet de la situation, j’ai discuté avec les professionnels évoluant là-bas. Et donc, à nouveau, en janvier les membres du CSE de Cosem Saint-Etienne m’avaient indiqué que les dernières informations qui leur avaient adressées étaient très rassurantes. D’où mes propos. C’était d’autant plus crédible que la fréquentation était très bonne. »

En janvier les membres du CSE de Cosem Saint-Etienne m’avaient indiqué que les dernières informations qui leur avaient adressées étaient rassurantes. D’où mes propos.

Patrick Michaud, adjoint municipal stéphanois à la santé

Début février, pourtant, les employés du Centre Cosem d’Amiens, ouvert lui aussi en 2022, apprenaient de leur direction sa fermeture pour ce 17 février ! « Samy Dimermanas qui a pris la main sur la direction, son père étant apparemment écarté en raison des ennuis judiciaires, j’ignore exactement de quelle manière, est venu en personne leur annoncer cette nouvelle inhumaine et très brusque. Puis les Stéphanois ont appris qu’il enchaînait une visite, cette fois chez eux, pour ce lundi 12 février, se doutant du coup, que le même sort leur était réservé alors que le contraire avait été jusque-là indiqué. Ils leur ont menti, comme à nous », raconte Patrick Michaud qui dit être régulièrement en lien avec les cadres du personnel depuis le début. « Je suis très en colère ! J’ai justement croisé Samy Dimermanas et sa RH lundi en me rendant sur place et je leur ai dit ma façon de penser, moi qui suis plutôt un calme. C’est d’autant plus révoltant que la fermeture intervient le 29 février, dans 15 jours ! 45 personnes vont être brusquement licenciées. Et des centaines de gens qui consultent sont mis sur le carreau avec pour beaucoup des séries de soins en cours. »

Emmanuel Macron mis en copie d’un courrier

Bref, Patrick Michaud plaide la haute trahison de la part de Cosem, rappelant que si la mairie leur a suggéré les Galeries Dorian pour s’installer, c’est l’association qui est venue frapper à la porte de la municipalité en 2020. « Nous n’aurions pas voulu d’eux pour X raison, ils restaient libres de lancer leur projet sur Saint-Etienne. » Bien que la communication du maire ait pu brouiller ce fait, « il s’agissait bien d’un projet 100 % privé. Evidemment, avant de lui accorder notre bienveillance et de les mettre en relation avec le propriétaire des Galeries Dorian, nous avions visité les centres Cosem à Paris. Il y en avait six et l’activité, le nombre de professionnels : tout est dense, tout semblait ok. Ce qui nous avait mis en confiance. La Ville de Saint-Etienne est ici victime. » Cependant, l’affaire pourrait ne pas en rester là. En effet, selon la municipalité, ce ne sont pas moins de trois projets de continuation de l’ensemble des centres Cosem ouverts ces dernières années devant bientôt fermer – ils sont 5 : Saint-Etienne, Amiens, Tours, Nantes, Lyon – qui n’auraient pas été retenus dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.

« La fréquentation des centres d’Amiens et Saint-Etienne ne cessait de monter. Il n’y avait aucune raison pour négliger ses offres qui reprenaient, en plus, les dettesPourquoi ces offres de reprise ont été écartées ? », pointe Patrick Michaud qui dit très bien connaître le sérieux d’un des trois candidats. Comme à propos de celui de Cosem ?, serait-on tenté de lui demander… « Non bien davantage. Cosem, avant leur projet et d’aller les visiter je ne les connaissais pas vraiment », anticipe Patrick Michaud. Ce 15 février, Gaël Perdriau et la maire UDI d’Amiens, 1ère vice-présidente de la Région Hauts-de-France, Brigitte Fouré ont cosigné un courrier envoyé au Tribunal de commerce de Paris, adressé aux administratrices judiciaires du dossiers, aux juges commissaires et à la procureure. Une copie a été envoyée au président Emmanuel Macron en personne (et originaire d’Amiens) ainsi que de Catherine Vautrin, ministre du Travail d la Solidarité et de la santé et son ministre délégué à la santé Frédéric Valletoux.

« Nous vous demandons de suspendre les fermetures »

La municipalité de Saint-Etienne nous l’a transmis (voir ci-dessous) à la suite de notre échange avec Patrick Michaud. Les deux maires estiment qu’étant donné le démarrage récent des centres Cosem ouverts chez eux, « la pertinence et l’utilité de ces centres ne peut pas faire l’objet d’un débat tant les chiffres de consultations sont parlants. L’intégration de ces centres Cosem dans nos filières de santé régionales, offre un parcours de soins fondamental et irremplaçable à ce jour ». Qui plus est, « des plans de continuation concernant la totalité des centres du Cosem (dont Amiens et Saint-Etienne) semblent être entre vos mains et portées par des acteurs dont le l’expérience été le sérieux ne peuvent être remis en question. Ils permettraient d’une part, de répondre aux besoins de nos territoires en matière de santé et d’autre part, d’éviter le licenciement de 45 personnes à Saint-Etienne et 25 personnes à Amiens ». Dès lors, « nous vous demandons de reconsidérer votre position et de suspendre les fermetures annoncées pour permettre aux solutions de continuité d’être étudiées prioritairement ».     

Nos tentatives pour contacter Samy Dimermanas cet après-midi ainsi que la direction stéphanoise de Cosem n’avaient pas abouti à des réponses respectives négatives ou positives.

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