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lundi 29 avril 2024
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Saint-Etienne : le « Budget Vert », exercice et limites

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Passé en arrière-plan du dernier conseil municipal de Saint-Etienne, son premier « Budget Vert » a pourtant été mis en avant par Christiane Michaud-Farigoule, adjointe chargée de l’environnement. Et pour cause : la longue phase d’élaboration de ce nouvel outil comptable visant à orienter les choix budgétaires selon leurs impacts écologiques est achevée. La majorité annonce qu’il a été utilisé pour ajuster le budget municipal 2024 en reconnaissant, certes, les limites de l’exercice mais en annonçant une amplification à venir. Pas assez vite, pas assez loin, estime de son côté l’opposition écologiste. Elle y voit de l’affichage…

L’empreinte du Budget Vert sur celui général de Saint-Etienne est censée monter en puissance dans les années à venir. Image d’illustration par Alexa de Pixabay.

Bientôt obligatoire. La loi de finances 2024 impose ce document à toutes les collectivités – communes, intercommunalités, Départements et Régions – de plus de 3 500 habitants. « On attend les décrets d’application pour le mois de juin », précise Christiane Michaud-Farigoule, adjointe municipale de Saint-Etienne chargée des questions environnementales. Plus précisément du développement durable, de la biodiversité et de la transition écologique. Le document ? Il s’agira exactement du document d’« Impact du budget pour la transition écologique », issus d’une « Budgétisation verte » ou encore plus vendeur, d’un « Budget vert ». Dernière terminologie employée par le gouvernement qui s’applique le principe depuis 2020 : se doter d’un document qui classe et chiffre les dépenses et crédits selon leur impact environnemental pour l’année à venir. Pas d’autres contraintes, au moins dans un premier temps.

Car il s’agira, à ce stade, de produire un introspectif document annexe au compte administratif et obligatoire, à l’image du rapport égalité hommes/femmes ou de celui consacré au développement durable. « Mais les exigences liées au Budget Vert sont cependant appelées à monter en puissance, pronostique Christiane Michaud-Farigoule. A ce stade, l’Etat a bien saisi qu’il est compliqué en termes d’ingénierie, de méthodologie, de moyens humains de le mettre en place du jour au lendemain. Donc ce n’est qu’un début. Pour nous, c’est déjà long, difficile de se lancer, alors pour une petite commune… A voir comment nous, la ville centre, nous pourrons aider, peut-être via Métropole qui devra aussi créer son document, les autres communes de l’intercommunalité concernées (environ la moitié des 53, Ndlr). » D’autant que la direction « Transitions Ecologique et Energétique » est mutualisée, elle aussi, entre Saint-Etienne et sa Métropole.

Budget Vert : 4 000 lignes de Saint-Etienne à la loupe

Selon Christiane Michaud-Farigoule, l’idée à Saint-Etienne remonterait à 2020, incitée par ce qui venait de s’initier à l’échelle nationale. Et par les échanges au sein de France urbaine, des métropoles, communautés urbaines, d’agglomération et grandes villes de France. 107 membres. « Nous avons lancé le travail pour Saint-Etienne en 2021. Jusque-là, nous avons peu communiqué : il a fallu partir de zéro ou presque et on ne savait vraiment pas ce que cela allait donner. Notre première mouture est là et les premières décisions liées à ce Budget Vert aussi puisque nous dépassons la seule analyse. Sa prise en compte est déjà effective sur le budget 2024 : des arbitrages ont déjà été effectués en fonction des analyses déjà réalisées. » Si une centaine collectivités françaises ont déjà au moins lancé ou vont bientôt lancer (sans parler de concrétiser) une démarche analogue, la Ville de Saint-Etienne estime être l’une des premières, si ce n’est la première grande municipalité à se l’être appliqué.

Notre première mouture est là et les premières décisions liées à ce Budget Vert aussi puisque nous dépassons la seule analyse.

Christiane Michaud-Farigoule, adjointe municipale de Saint-Etienne

Et ce n’est pas une mince affaire : ce sont environ 4 000 lignes budgétaires de plus de 1 000 € – cela représente 95 à 98 % du budget communal – qui ont été en effet scrutées. Pour les services de la Ville, un travail – supplémentaire – de fourmi effectué à plusieurs reprises puisque ce ne sont pas moins de cinq comptes administratifs, de 2018 à 2022 (les rapports d’exécution effective des budgets votés plus d’un an auparavant) qui ont été analysés, passés à la loupe afin de forger une méthode. Et un sens aussi, côté ajustements à en déduire, à adapter au contexte stéphanois : la recette ne peut pas être uniforme d’un bout à l’autre du pays, problématiques et spécificités locales obligent, insiste Christiane Michaud-Farigoule. La Ville de Saint-Etienne s’est faite accompagnée pour cela par le cabinet spécialisé I Care, dont l’expertise est régulièrement utilisée par les collectivités à ce sujet. Il a recommandé l’utilisation d’une méthode déjà en place : « I4CE ».

La méthodologie I4CE retenue par Saint-Etienne

« C’est celle qui s’impose peu à peu dans les collectivités en France. Cela indépendamment de leurs bords politiques, appuie Alain Clabaut, directeur Ville et Métropole du service « Transitions Ecologique et Energétique ». Elle a été retenue à Paris ou encore par les Métropoles de Lyon (du moins en partie pour cette dernière), Lille, Strasbourg. Sept de ses huit grilles de lectures des dépenses visant à connaître l’impact de ces dernières en termes d’émissions de gaz à effet de serre ont été considérées dans notre cas, après analyse, comme adaptées. La méthode était ainsi loin devant les autres. » I4CE était en concurrence avec les méthodes dites « WWF », « Oslo », « CGD »… Sept, en tout, ont été comparées, évaluées. I4CE donne donc une estimation de l’impact d’une ligne de dépense en termes d’émissions de gaz à effet de serre. A la collectivité de prendre ensuite une décision : renoncer, ajuster, compenser ailleurs…

Extrait d’un document de synthèse de la constitution de la démarche. Cinq comptes administratifs ont été auscultés.

Critique immédiate sur le fond, entendue en conseil municipal fin mars : le fait que la méthode présente une gigantesque proportion de lignes désignées comme « neutres » (78 à 80 % sur les comptes administratifs de 2018 à 2022) ou « indéfinies » (7 %). Une écrasante majorité de dépenses échappe donc à l’analyse. « Forcément, rétorque Alain Clabaut. Déjà parce que c’est quelque chose de neuf, qui se construit peu à peu. Nous sommes conscients des limites. Ensuite, et surtout, parce qu’une foule de lignes budgétaires ne peuvent pas être jugées comme bonnes ou pas. Notre contribution au Sdis par exemple, donnée au Département qui en a la compétence : ce sont 13 M€ qui sont exclus de l’analyse. Idem quand nous payons les assurances, nos impôts fonciers, les indemnités d’élus etc. » Sur ce qui reste d’analysable selon I4CE, le budget investissement 2022 a présenté 71 % de sommes dépensées jugées très favorables au climat, 5 % plutôt favorables, 24 % défavorables. Celui fonctionnement 53 % de dépenses très favorables, 5 % plutôt favorables 42 % défavorables.

Une accentuation de son empreinte à prévoir

Précisons que la méthode retenue accorde une « prime automatique » aux nouveaux projets d’urbanisme dont l’élaboration, rénovation ou construction donnent de nos jours lieux à des améliorations énergétiques, du moins par rapport à l’existant (et non, le projet « ajourné » de patinoire n’a pas été ici évalué, déjà parce que c’est un projet métropolitain). Bien sûr quand il s’agit de construire ex nihilo, il faudrait prendre en compte ce que le neuf provoque en termes d’émissions bien qu’a priori plus vertueux qu’un projet des années 1970. Reste que dès le budget 2024, des arbitrages auraient été effectués en anticipant les impacts selon Christiane Michaud-Farigoule : « Nous n’avons pas renoncé à des investissements jugés trop défavorables mais amélioré, été plus exigeants dans le domaine environnemental que ce qui était prévu initialement sur certains programmes. C’est évidemment comme pour le développement durable, la logique est transversale tout en ayant donné lieu à un rapprochement particulier entre notre service et celui financier de la Ville. »

L’élu rappelle toutefois que l’effet des arbitrages déterminés pour 2024 ne pourra se voir qu’à la fin du printemps 2025, à la sortie du compte administratif, portant sur ce même budget 2024. D’autre part, elle assure que le dispositif n’en est qu’à ses débuts et que ses exigences allaient année après année monter au fur à mesure de son rodage et du retour d’expérience… Rares (si ce n’est aucun) sont les conseils municipaux et avec, ceux intercommunaux, depuis 4 ans où Jean Duverger, élu d’opposition du groupe Le Temps de l’écologie, n’ait pas évoqué la nécessité de mettre en place ce budget vert. La cordialité de ses premiers échanges en coulisses et en séances publiques à ce sujet a cédé, là aussi, au règlement de compte avec le maire Gaël Perdriau. Fin mars, ce dernier a fait part de la « grande déception » que représentait désormais pour lui son opposant, ce dernier exprimant en effet de plus en plus la sienne sur le Budget Vert.

« Non nous n’y sommes toujours pas »

Intégré par la majorité au Comité de pilotage (Copil) supervisant l’élaboration de ce budget vert depuis le début, soit janvier 2021, à la suite d’une discussion avec le maire, Jean Duverger conteste la volonté réelle et même, initiale de la majorité. « Ce Copil s’est réuni quatre fois et n’a vraiment été lancé qu’en janvier 2022…, assure-t-il. Quoi qu’il en soit, non nous n’y sommes toujours pas malgré l’urgence ! C’est trop lent, trop timide à l’image de la méthode retenue. Oui, d’autres l’utilisent mais la Métropole de Lyon par exemple n’en fait qu’une base et va beaucoup, beaucoup plus loin parce qu’il est nécessaire d’aller beaucoup, beaucoup plus loin. Plus vite aussi face à l’urgence climatique. La priorité de nos dépenses devrait aller à la rénovation énergétique massive des bâtiments, au développement des ilots de fraîcheur. C’est une évidence qu’un budget vert mis en place avec une vraie détermination aurait, lui aussi, pointé depuis longtemps. Et ce n’est pas en soutenant une nouvelle patinoire métropolitaine que la Ville se montre très cohérente là-dessus ! » Sujet glissant s’il en est…  

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