Saint-Étienne
samedi 27 avril 2024
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La Ville de Saint-Etienne va augmenter sa fiscalité de 15 %

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Une augmentation fiscale, à la seule initiative de la municipalité de Saint-Etienne, c’est une première depuis 2010. « Nous sommes arrivés à bout de notre logique d’économies. La décision est subie et liée à des raisons toutes exogènes », défend Nora Berroukeche, adjointe aux Finances. Lundi 29 janvier, le conseil municipal stéphanois a – entre autres – discuté, en attendant de la voter, une hausse de 15 % de sa fiscalité (taxe foncière principalement) sur les ménages à l’occasion du Débat d’orientation budgétaire (Dob) 2024. L’opposition s’insurge unanimement contre la décision, voire parle de « trahison »…

Pas le choix et pas si dramatique, estime la majorité. L’opposition n’a pas la même analyse. ©If Média/Xavier Alix

Sur ce périmètre, là, celui de la Ville, la hausse est « subie », argue l’exécutif municipal. En 2021, le « + 2,6 % » venait de Saint-Etienne Métropole et, lui, était « voulu ». Il y avait la Gemapi à digérer. Il y avait, surtout, des ambitions à assumer : le doublement des investissements à l’échelle de l’agglomération : 400 M€ à environ 800 M€ cumulés sur ce mandat en cours (2020/2026). A l’époque, l’agglomération avait précisé que « pour une taxe foncière à 1 400 €, son montant médian (la moitié des redevables paie plus, l’autre moins, Ndlr), l’augmentation induite par la Gemapi sera de 14 €. Il faut y ajouter 32 € de taxe additionnelle foncière. » Soit + 46 € dans le cas métropolitain. Il fallait y ajouter, la revalorisation des bases locatives décidée par l’Etat indépendamment, « unilatéralement », tacle la Ville. Idem quand il s’agit des municipalités, et donc de la Ville de Saint-Etienne actuellement, « contributrice », certes la plus imposante, parmi d’autres de la fiscalité locale dont le propriétaire peut être redevable.

Lundi, c’est une augmentation de 15 % des taux d’imposition qui a été discutée par le conseil municipal de Saint-Etienne sur sa part des impôts locaux relatifs, donc, en grande partie à la Ville (taxe foncière mais aussi taxe d’habitation résiduelle sur les résidences secondaires). Résultat, comparativement ? « Un couple qui a deux enfants et possède 90 m2 cours Fauriel va désormais payer 1 186 € (augmentation nationale des bases comprises, Ndlr) contre environ 1 000 € si nous n’avions pas procédé à cette augmentation, schématise Gaël Perdriau, visiblement préparé à cette interrogation. Il est important de préciser que le même couple habitant au même endroit avec deux enfants payait 1 663 € de taxes locales, habitation et foncière, en 2020, avant la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Donc, malgré 16 € par mois en plus, c’est 500 de moins par an entre 2020 et 2024 ». Ce n’est pas pour autant ce qui aurait motivé l’augmentation effective annoncée pour le budget 2024 qui reste à être présenté et à voter (probablement en mars ; à ce stade, il s’agit du Débat d’orientation budgétaire, le « DOB ») de la Ville de Saint-Etienne, argue son exécutif.             

Hausse de la fiscalité : une première depuis 2010

Mise sur la table il y a une semaine par les groupes d’opposition Le Temps de l’écologie et Saint-Etienne Demain, la hausse, argue l’adjointe aux finances Nora Berroukeche, se justifie en raison du contexte, de l’accumulation de causes exogènes, les unes après les autres depuis 2020. Le Covid avec ses pertes de recettes et augmentation de dépenses, l’inflation énergétique, l’inflation tout court, les deux liées au contexte géopolitique, baisses de dotations d’Etat, « décisions unilatérales » de ce dernier sur l’augmentation des grilles et autres points d’indice de la fonction publique et autres augmentations des taux d’intérêts, a énuméré l’adjointe. Or, souligne-t-elle, « notre bonne gestion financière, rigoureuse, menée depuis 2014, la purge des emprunts toxiques définitive depuis 2021 nous avait, jusque-là permis, d’absorber cette accumulation sans augmenter les impôts ». Au prix toutefois, dès 2023, de quelques services publics réduits (serres municipales, école de voile, décision sur une résidence senior et en crèche…) et d’une baisse de subventions pour de nombreuses associations.

Nous sommes arrivés au bout de notre logique d’économies, de rigueur, d’optimisation de nos dépenses.

Nora Berroukeche, adjointe aux Finances

« Sur le total, il n’y a pas de baisse du soutien à ces dernières mais, au contraire une augmentation puisque nous assumons à 100 % la hausse de celui-ci en nature (locaux mis à disposition, fluides etc.) et cela pour plusieurs millions d’euros, bien plus que le total de baisse de subventions, veut nuancer Gaël Perdriau. Nous ne touchons pas à celles-ci cette année.» A la fiscalité, en revanche, qui représente 87 % des recettes (taxe foncière sur la propriété bâtie et non bâtie, taxe d’habitation résiduelle), oui. Une première depuis 2010 à Saint-Etienne. Et ainsi en contradiction avec le programme électoral de 2020 : élément d’ailleurs répété à chaque fois qu’il était question de finances ces dernières années. Mais la persistance et l’accumulation des crises ont fini par changer la donne car « nous sommes arrivés à bout de notre logique d’économies, de rigueur, d’optimisation de nos dépenses », constate Nora Berroukeche. Gaël Perdriau en profitait pour rappeler, à nouveau, que bien d’autres municipalités ont fait le choix d’agir fiscalité avant Saint-Etienne et que cette dernière reste dans la moyenne basse de la strate des villes de la même taille (27 % en dessous de la moyenne).

L’investissement sacralisé à défaut d’être sacrifié

Comparaisons à l’appui déjà données il y a un an avec des Villes sans doute bien choisies au regard des couleurs politiques de leurs maires : « + 16 % à Marseille, + 11,5 % à Nantes, + 9 % à Lyon, + 25 % à Grenoble, + 52 % à Paris… ».Pasd’autre option donc, assure la majorité. Ou alors, aurait-il fallu toucher au volume d’investissement tournant autour de 50 M€ par an « depuis 2014 contre 30-35 avant ». Ce que la mairie s’interdit. Elle compte, au contraire, maintenir le rythme. Car « c’est l’avenir de nos enfants qui est en jeu, le Saint-Etienne de demain » ainsi que « l’économie locale et donc l’emploi ». Le maire estime que « nous avons récolté les fruits de notre politique dans tous les domaines et comptons à continuer de le faire. » La capacité d’autofinancement, à ce titre, est essentielle et la décision fiscale va permettre de dégager 10 M€ d’épargne nette (dangereusement tombée de 9 à 3 M€ en 2023 !), soit un « retour » au niveau d’avant Covid. Le recours à l’emprunt amènera une hausse de l’encours de la dette de 236 M€ à 237,4 M€ mais après « des années d’assainissement et de désendettement », tient à recontextualiser Gaël Perdriau.

Outre la fin des emprunts toxiques, héritage des mandatures Thiollière soldé en grande partie sous son successeur Maurice Vincent, le maire met dans la balance « le passage de 351 M€ d’encours en 2014, soit 2 023 € par habitant quand Saint-Etienne était dans le Top 5 hexagonal de l’endettement à 236 M€ l’an passé, soit 1 348 € par habitant. L’annuité de la dette a baissé en conséquence (de 36,5 M€ en 2014 à 30 M€ en 2023, Ndlr), ce qui a permis davantage d’argent disponible. La capacité de désendettement, jugée dangereuse à 12 ans, est de 8 ans à Saint-Etienne contre 24 à Paris, 53 à Nice ! » Pour revenir sur 2024 vs 2023, la hausse des charges de fonctionnement est présentée comme fatale. Tout augmente : malgré les résultats du plan de sobriété (chauffage, – 50 % d’éclairage public…) qui sera reconduit, la note énergétique avec notamment + 14,3 M€ sur l’électricité en 2024 conformément au nouveau contrat avec EDF entré en vigueur au 1er janvier.

Les décisions « unilatérales de l’Etat » 

Il y aussi les tarifs des assurances, des interventions extérieures, les dépenses du Centre communal d’action sociale (CCAS) pour répondre « à la hausse de ma demande sociale » et, enfin, et les charges de personnel qui devraient mobiliser 57 % des dépenses en 2024 malgré les transferts de mutualisation avec la Métropole. Hausse de la masse salariale, du fait des décisions de l’Etat et à nouveau en 2023, pointent Nora Berroukeche et Gaël Perdriau avec des décisions « unilatérales » et répétées (soit, pour Saint-Etienne, + 9 M€ de charges cumulées par rapport à 2020) sur les points et grilles d’indice « n’ayant pas fait l’objet de compensations de la part du gouvernement » tout comme les primes Ségur, forfait de mobilité et autres indemnités de télétravail. A propos d’Etat, si les dotations, tous dispositifs connus devraient être en hausse en 2024 de 0,6 M€, Nora Berroukeche met en face les 137 M€ perdus cumulés chaque année depuis 2014… Toujours bon à prendre pour les recettes (257 M€ prévus pour 240 M€ de recettes) qui ne bénéficieront pas une hausse de l’apport des produits de services municipaux liée à une hausse des tarifs puisque celle-ci n’aura pas lieu.

Cette décision est à la fois brutale, incohérente, injuste et scandaleuse.

Groupe Saint-Etienne Demain

L’argumentaire déployé par la majorité n’a évidemment pas convaincu les groupes d’opposition. Saint-Etienne Demain avait déjà considéré dans un communiqué cette décision comme « à la fois brutale, incohérente, injuste et scandaleuse. « Brutale » car « c’est incontestablement une hausse extrêmement forte, non-anticipée, qui va lourdement plomber le pouvoir d’achat des Stéphanois, et dont le seul but est de « permettre la réalisation du plan de mandat », dont on tarde à voir la moindre concrétisation» « Incohérente » car « en parfaite contradiction avec les discours répétés à l’envi depuis 10 ans par l’équipe municipale, qui s’enorgueillait de ne pas toucher à la fiscalité locale, « une solution de facilité pour masquer l’incapacité à bien gérer », disait-elle ». « Injuste et scandaleuse », car si « la majorité justifie cette explosion fiscale par sa volonté de préserver les services publics locaux et de ne pas baisser les subventions aux associations, il convient de rappeler le sinistre bilan de 2023… »

« Double peine pour les Stéphanois »

Le groupe de gauche parle bien sûr de subventions en baisse aux associations, et ce qu’il estime être la « destruction méthodique des services publics locaux ». Or, « (…) en 2024, les impôts explosent : c’est une double-peine pour les Stéphanois ! » Il ajoute : « Ce sont les propriétaires de logements stéphanois qui vont supporter à 95 % cette hausse de fiscalité. Les conséquences risquent d’être lourdes. En effet, l’immense majorité des propriétaires stéphanois demeure des personnes modestes, dont l’acquisition de leur logement à Saint-Etienne est souvent le fruit d’une vie de travail et de petite épargne, profitant de périodes de faibles taux d’intérêts et de prix de l’immobilier attractifs. Il ne s’agit pas, dans l’immense majorité des cas, de riches propriétaires, mais bien de représentants de cette « classe moyenne » qui va encore se retrouver à payer, au risque de la faire fuir dans la proche périphérie de la ville, dans la couronne, la Plaine du Forez ou la proche Haute-Loire, et ainsi d’accélérer la paupérisation du centre-ville et de miner encore davantage l’attractivité de ce dernier pour de nouveaux ménages. »

En séance, un membre du groupe, l’élu PS Pierrick Courbon rappelait aussi que le revenu médian plus bas de Stéphanois rend caduc l’argument d’une fiscalité basse par rapport à la strate tout en pointant le fait que les bailleurs privés vont répercuter la hausse sur ceux leurs locataires ne payant pas d’impôts… Enfin, il estimait que la majorité a commis une erreur stratégique monumentale en empruntant peu quand les taux étaient très bas : soit « seulement » 11 M€ en 2021, au moment jugé opportun, contre 28 M€ en 2022, 22 M€ en 2024… Avant lui, Antoine Poméon, élu LR d’opposition, faisait part de sa colère sur une augmentation qu’il juge « inacceptable insupportable », trahissant à ses yeux, « la promesse faite à des milliers d’habitants qui y ont cru comme moi. Au moment où votre parole est discréditée du fait des mises en examen, votre seule réponse est d’assommer les habitants avec l’impôt local. Vous ne prenez que votre intérêt en considération. Personne ne fera entendre raison. C’est le rapport de la honte et mensonge ».

« Les fameuses classes moyennes vont fuir »

Ex adjoint de la majorité, le néo opposant UDI Lionel Boucher fustigeait aussi la décision, un ton en dessous, il est vrai : « Ok, la Ville subit des décisions et un contexte qui ne lui appartiennent pas. Mais au regard de l’enjeu de mixité sociale, il faudrait y aller avec des pincettes. Or, vous y allez avec une batte de baseball. Ce sont les fameuses classes moyennes dont nous manquons cruellement qui vont fuir, impactant un peu plus le dynamisme commercial de la ville alors que l’on compte dix cellules vides aux Halles Biltoki et accentuant, ainsi, la paupérisation du centre-ville. + 9 % aurait été mieux que + 15 %. » Elu d’opposition communiste, Michel Nebout se désolait de voir la majorité, dans son propre argumentaire, remettre en cause un « système » que ses membres, estime-t-il, promeuvent parallèlement et paradoxalement : « Ce système critiqué dans votre rapport, c’est le capitalisme ! La FMI a dit lui-même que 50 % de l’inflation mondiale est liée à la hausse des dividendes aux actionnaires, deux tiers en Europe ! Et pendant ce temps, vous, vous plainez et augmentez la sous-traitance, réduisez les services publics ! Vous rejetez la faute sur d’autres et menez une politique d’attractivité immobilière loin des besoins sociaux. »

Le problème n’est pas le montant de la fiscalité, c’est aussi et surtout, ce que l’on en fait.

Jean Duverger, Le temps de l’écologie

Jean Duverger pour Le Temps de l’Ecologie, a aussi pris la parole : « Vous vous résolvez, contraint et forcé, après 10 ans d’une gestion à courte vue avec le handicap de devoir gérer les conséquences de vos inconséquences passées. (…) Le problème n’est pas le montant de la fiscalité, c’est aussi et surtout, ce que l’on en fait ». Ainsi, « par exemple, depuis 2014, vous auriez pu vous inspirer de l’action de l’association Héliose créée en 1973, il y a de cela plus de 50 ans. L’objet de l’association : « Maîtrise de l’énergie et développement des énergies renouvelables ». Une clairvoyance qui ne vous a pas donné l’idée d’anticiper ! Anticiper, c’est de cela dont vous êtes incapables et qui nous pénalise aujourd’hui. » L’élu écologiste dont le groupe avait invité il y a un an Gaël Perdriau et la majorité à appliquer une hausse fiscale dès 2023 et de ne pas toucher aux services publics et subventions associatives a évoqué, à nouveau, la mise en place du « budget vert » (analyse de chaque décision financière à la lumière de leur impact environnemental) mise en œuvre, considère-t-il, trop tardivement et trop mollement.    

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