Saint-Étienne
vendredi 26 avril 2024
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A Saint-Etienne Métropole, le juke-box n’en finit pas de chanter le cas Perdriau

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« Maintenant, il faut en finir », voilà au moins un titre qui mettrait très probablement d’accord les 120 élus de l’intercommunalité. Le comment beaucoup moins. Alors que se tient cet après-midi, une réunion des vice-présidents puis du bureau, où la démission de Gaël Perdriau sera remise sur la table, quelques élus non stéphanois, non entendus jusque-là, estiment qu’en attendant que Justice soit faite, il faut passer à autre chose dans « l’intérêt commun », le « retrait total » du président étant acquis et le vœu sur sa démission voté le 8 décembre n’étant pas légalement contraignant.  

Luc François, Christian Julien, Julien Vassal et Patrick Bouchet disent parler au nom d’un nombre significatif d’élus muets. ©If Media/Xavier Alix

« Le plan de déplacements urbain présenté au dernier a eu zéro retour presse, c’est dingue ça quand même ! », pointe en exemple Luc François. Il faut dire que le maire de Grand-Croix est vice-président aux transports de Saint-Etienne Métropole. Et effectivement, en temps ordinaire, cette délibération, a priori, l’une des plus importantes, si ce n’est la plus importante à voter au niveau des politiques publiques (le vœu de démission qui a été votée n’en est pas une) lors de la dernière séance de Saint-Etienne Métropole, aurait probablement retenu davantage l’attention. Ce n’est pas une « commande » de Gaël Perdriau, assurent-ils mais une démarche qui leur est propre. Luc François donc mais aussi Christian Julien, vice-président chargé du budget et maire de Saint-Genest-Lerpt ainsi que Julien Vassal, maire de L’Horme et Patrick Bouchet, maire de La Fouillouse ont tenu mercredi soir, dans les locaux de Saint-Etienne Métropole, une conférence de presse surprise autour de la situation de Saint-Etienne Métropole vis-à-vis de Gaël Perdriau.

En les mettant dans le total, une douzaine d’élus est directement associée à cette démarche, tout le monde ne souhaitant pas être cités, précisent-ils… Non présents devant la presse mercredi, Gilles Thizy, maire de Marcenod, vice-président en charge de la stratégie foncière (et aussi de… la cohésion territoriale !), Jean-Luc Basson, maire de La Tour-en-Jarez, Yves Morand, maire de L’Etrat, ainsi que Jean-Marc Sardat, maire de Rozier-Côtes-d’Aurec eux, le veulent bien. Au moins 3 vice-présidents donc sur… 19. Il est cependant évident que 4 autres vice-présidents, ceux stéphanois membres de la majorité municipale de Gaël Perdriau toujours derrière lui – Marc Chassaubéné, Delphine Jusselme, Siham Labiche, Nora Berroukeche – ne vont pas contredire l’initiative. L’esprit de celle-ci, disent ses protagonistes, reflète cependant l’opinion de beaucoup d’élus restant silencieux vis-à-vis des incessants renvois de balle en séance publiques ou en réunions de travail entre ceux exigeant le « départ total » de Gaël Perdriau et d’autres qui estiment que ce n’est pas justifié à ce stade, le « retrait total » – toujours pas officiellement défini, comme le reconnaissent les présents à la conférence de presse -, étant à leurs yeux suffisant d’ici le résultat de l’enquête judiciaire.  

« Une affaire « stéphano-stéphanoise » »

Parmi les tenants de la démarche présentée hier par ces quatre maires, tous sans étiquette politique, y en a-t-il qui ont voté le vœu exigeant la démission il y a une semaine ? Nous n’avions pas de réponse à cette question posée à deux reprises hier, jusqu’à ce matin*. Ce n’est pas ce qu’ils souhaitaient mettre en avant. « Nous voulons dire que c’est d’abord une affaire « stéphano-stéphanoise » avec des débats qui prennent une tournure politisée que l’on ne cesse de reproduire à Métropole et qui occupent tout l’espace. Saint-Etienne Métropole, ce n’est pas Saint-Etienne mais 53 communes dont beaucoup rurales aux maires éloignés de la politique politicienne, avec une gouvernance rarement aussi transpartisane, des vice-présidents de tous les bords ou sans bords politique, qui fonctionnait très bien et montait en puissance, développe Luc François. Alors dans l’intérêt commun, cessons de systématiquement revenir sur cette affaire qui pourrit tout et entrave le travail. On n’est pas là pour rejouer le conseil municipal de Saint-Etienne. Le vœu de démission est là, voté, certes sans qu’il y ait une obligation légale. Mais Gaël Perdriau est en retrait total, donc concentrons-nous sur nos enjeux, la concrétisation des politiques publiques qu’attendent nos administrés. »  

L’assemblée de Saint-Etienne Métropole n’est pas là pour rejouer le conseil municipal de Saint-Etienne.

Luc François, maire de la Grand-Croix, vice-président de Métropole

Le quatuor ne conteste pourtant pas pour autant l’argument de Gaël Perdriau qui assurait dans son discours de défense jeudi dernier que les dossiers de la Métropole n’étaient nullement entravés pas sa situation. « C’est vrai, et vous verrez d’ailleurs bientôt des éléments budgétaires de grande importance à l’ordre du jour. Cela même si nous passons un temps fou à débattre et redébattre du sujet depuis maintenant fin août. Toutefois, si le travail continue jusque-là à se faire malgré tout, jusqu’à quand ce sera le cas en revenant et en se divisant sans cesse sur l’affaire ? », interroge Christian Julien. Mais si on entend « toujours les mêmes », pourquoi ne pas s’être exprimé le 8 décembre ? « Je ne suis pas intervenu en séance car comme les autres, j’ai découvert en direct la décision de Gaël Perdriau. Et avant de m’exprimer, je préfère avoir un temps de réflexion. » Idem pour Luc François, sous le coup, reconnait-il de la « sidération », « déstabilisé » même, jeudi dernier à l’issue du discours de Gaël Perdriau. Avec un peu de recul, il est temps à leurs yeux de siffler la « mi-temps ».

« Oui, il faut en finir : avec la démission »

« Ce n’est pas une question d’être « pour » ou « contre » Perdriau. L’initiative n’est pas politique », précise encore Luc François. C’est un « appel au calme » pour que les projecteurs cessent d’être braqués sur l’affaire, dans l’intérêt de la sérénité de l’institution et du rayonnement de l’ensemble du bassin de vie, pour synthétiser leur état d’esprit affiché. Position absurde, juge Christophe Faverjon. « Oui, il faut en finir avec cette situation intenable afin de poursuivre le travail sereinement. Mais cela passe obligatoirement par la démission de Gaël Perdriau voulue par une très large majorité d’élus métropolitains, martèle le maire PC d’Unieux, 7e vice-président en charge de l’enseignement supérieur présent lui aussi à Métropole mercredi soir pour une réunion de travail. Pourquoi le retrait est insuffisant ? Parce que Mediapart dit avoir 400 heures d’enregistrements, que demain, la semaine prochaine, dans deux semaines, je ne sais quand, d’autres éléments vont sortir, ramenant sans cesse l’affaire dans nos débats. Les cadres et agents de Métropole n’en peuvent plus et beaucoup risquent de partir, impactant l’avancée des dossiers. »

Je ne sais quand mais d’autres éléments vont sortir de la part de Mediapart, ramenant sans cesse l’affaire dans nos débats.

Christophe Faverjon, maire d’Unieux, 7e vice-président

Christophe Faverjon met en outre une nouvelle fois en avant la « condamnation » du Tribunal judiciaire de Paris, le 30 novembre de Gaël Perdriau sur la base de l’article 700 du Code de procédure civile à propos de la censure de la dernière publication de Mediapart ajoutant Laurent Wauquiez à la mêlée générale. « D’accord, il s’agit du remboursement des frais de justice mais il ne faut pas y voir que de la forme. D’abord parce qu’il s’agit de la Liberté de la presse. Ensuite parce que cette condamnation est extrêmement rare. Un exemple ? Mon opposition a mis mon élection de maire devant le tribunal administratif à deux reprises : en 2014 et 2020. Elle a été déboutée mais n’a pas eu à rembourser mes frais de justice. » Analyse par ailleurs contestée par le « camp » Perdriau : « L’ordonnance du 30 novembre n’est pas une condamnation mais bien un jugement civil. Le juge civil a rappelé que la procédure mise en œuvre était valable contre un organe de presse. Il a cependant retracté son ordonnance du 18 novembre pour des circonstances de pure espèce en ordonnant le paiement de la somme de 9 000 € à Mediapart au titre de l’article 700. Il ne s’agit en aucun cas d’une condamnation pénale. »

Un nouveau vœu en bureau pour appuyer le vœu déjà voté…

Alors qu’il était sur une position assez analogue à Luc François et Christian Julien fin septembre, Christophe Faverjon apparaît, lui, désormais et depuis au moins les derniers rebondissements, comme le fer de lance de ceux souhaitant invariablement la démission de Gaël Perdriau. Il doit porter cet après-midi un autre vœu en bureau métropolitain (soit la moitié des 120 élus communautaires, maires, vice-présidents et conseillers ayant une délégation) exigeant l’application de celui du 8 décembre, c’est-à-dire la démission du président. Celui-ci ne sera logiquement pas là, puisqu’en retrait total. Hervé Reynaud, 1er vice-président qu’il s’agisse de pouvoirs ou de responsabilités juridiques est désormais censé porté jusqu’à nouvel ordre son costume. Mais en l’endossant, a-t-il constaté des pièces manquantes ? Contacté par If Saint-Etienne, le maire de Saint-Chamond rappelle que cette tache n’était en rien prévue et que les choses se mettent progressivement en place. « Mais on s’achemine bien pour l’instant sur une délégation des signatures et des responsabilités. Il faut que ça soit 100 % effectif le plus vite possible. »

Le président par intérim souligne que sa nouvelle fonction le place désormais « au-dessus de la mêlée même si de toute façon, tout le monde connaît ma position sur Gaël Perdriau avec ma signature à cet appel collectif à la démission il y a deux semaines. Luc François et Christian Julien qui n’étaient d’ailleurs pas sur la même position au début m’ont informé de leur initiative. Christophe Faverjon aussi… Mais en devant assurer la présidence, je ne me rangerai pas derrière les uns ou les autres. Évitons de constituer des clans. Car maintenant, le plus important, c’est de travailler et de mettre fin à toutes ces obstructions. Il y a forcément des visées politiques qui s’invitent dans tout ça et de tous les côtés…. » En cas de blocage et de conflit persistant, Hervé Reynaud sous-entend qu’il jettera l’éponge, lui qui a aussi une campagne à mener avec les Sénatoriales…

*Nous l’avons reposée ce matin par téléphone à Luc François qui nous confie n’avoir pas voté le vœu : « Ce n’est pas dans ma culture, ma philosophie de réclamer la démission d’un collègue d’une autre commune. Je ne suis pas légitime pour ça. Ça ne signifie pas que je le soutiens pour autant. Je n’ai d’ailleurs eu aucun contact avec lui depuis le 8 décembre. »

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