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Métallurgie : du positif, du négatif et surtout des inconnues

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Exprimant, comme en 2020 et 2021, des intentions des recrutements croissantes, l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) Loire qui représente la moitié des emplois industriels du département, a étayé fin mai les résultats 2023 de son observatoire annuel. Dans la conjoncture, le positif, illustré par des besoins de main d’œuvre au plus haut, se mêle aux inquiétudes et à un manque criant de visibilité…  

70 % des entreprises interrogées de la métallurgie ligérienne comptent recruter en 2023. ©If Média/Xavier Alix

A force, à quel point de sérieuses opportunités de marchés sont susceptibles de leur passer sous le nez ? Dans quelle mesure cela a-t-il déjà été le cas ? Et à quel point, encore, la persistance de cette pénurie pourrait paradoxalement enrayer la viabilité même des entreprises ? Comme en 2021 et comme en 2022, le rendu de l’enquête 2023 de l’observatoire de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) Loire auprès de ses membres met en évidence un imposant besoin de recrues. Au sein de ce qui représente la moitié de l’emploi industriel de la Loire – soit 24 481 postes en comptant les 1 846 de l’arrondissement d’Yssingeaux, territoire du ressort de l’organisation patronale –, 70 % des entreprises ont déclaré avoir l’intention de recruter d’ici la fin de l’année pour 2 160 postes à pourvoir projetés. Soit une hausse de 4 % des postes par rapport aux intentions 2022 qui avaient pourtant déjà spectaculairement bondi de 24 % par rapport à 2021.

Pourtant, Philippe Rascle, président de l’UIMM Loire, confirme le tableau de l’an passé : des perspectives de marché oui, la reprise oui mais entachées d’un manque de visibilité, d’incertitudes et de préoccupations dont était dépourvue la relative euphorie « post Covid » mais… « pré Ukraine ». Si on se penche sur le nombre d’entreprises membres et la quantité d’emplois correspondante, on passe ainsi respectivement de 1 220 pour 24 481 au 30 juin 2020 à 1 216 pour 24 124* au 31 décembre 2021. Sur les 6 dernières années, l’érosion touche cependant davantage les établissements (- 0,3 % en moyenne par an) que l’emploi en général, présenté comme stable sur 6 ans et même en hausse de 0,3 % en 2021 (360 postes avaient été perdus, finalement, en 2020). Pas encore de chiffres arrêtés pour 2022 sur ces effectifs. Mais c’est d’une fatale évidence : si tous les postes proposés avaient été pourvus, ces derniers seraient plus haut. Sur 100 postes recherchés, 77 l’avaient été en 2021, 73 en 2022.    

Avoir les moyens humains d’honorer les commandes

« Je ne vous cache pas que la préoccupation majeure de nos membres reste le recrutement alors même que les perspectives continuent à être bonnes », souligne Philippe Rascle. Encore faut-il avoir les moyens, ne serait-ce « qu’humains » donc, d’honorer les carnets des commande… Car l’incertitude, le manque de visibilité installée avec le conflit en Ukraine, eux, persistent. « Beaucoup d’entreprises doivent désormais rembourser les PGE (prêts garantis par l’Etat). Globalement, la trésorerie se tend quelque peu. On constate que globalement, les entreprises en difficulté avant le Covid sont à nouveau en difficulté. On a retrouvé les flux au Tribunal de commerce de 2019, ce qui veut dire supérieurs à 2020 (artificiellement bas en raison du quoi qu’il en coûte, Ndlr) mais loin d’être catastrophiques. Les chiffres d’affaires retrouvent, sinon dépassent 2019. » Et pas seulement à cause de l’inflation des prix.

On a retrouvé les flux au Tribunal de commerce de 2019, ce qui veut dire supérieurs à 2020 mais loin d’être catastrophiques.

Philippe Rascle, président de l’UIMM Loire

Beaucoup de secteurs pour lesquels travaille la métallurgie ligérienne, composée essentiellement de sous-traitants et à 90 % de TPE et PME, ont vu, ou alors voient leurs activités repartir. Sinon, s’armer de perspectives solides, Philippe Rascle citant « l’aéronautique » ; « la Défense à la suite des crédits sur 7 ans votés par l’Etat, 69 Md€ atteints en 2030, du jamais vu » ; « le nucléaire civil » et enfin, « les équipements médicaux ». En revanche, la problématique « énergie », si elle commence à « se détendre un peu, sur le gaz surtout », reste prégnante. « Un tiers de nos sociétés ont été contraintes de renégocier en pleine tempête, avec des contrats très chers alors qu’ils seraient en meilleure position aujourd’hui. Nous incitons dans la mesure du possible à signer des contrats courts », lance Philippe Rascle dont l’inquiétude immédiate, outre le recrutement, porte désormais sur des taux d’intérêts en hausse, passés à moins d’1 % à 4 %, plombant fatalement les capacités d’investissement et sur le recul de la production industrielle en Allemagne.

Vers une convention collective « nationalisée »

L’UIMM Loire continue, elle, à investir des centaines de milliers d’euros par an dans la promotion de ses métiers . ©UIMM Loire

Philippe Rascle relève aussi qu’il a fallu augmenter les salaires (« dans une jauge entre 10 et 15 %, dit-il, identique au national ») pour « rester attractif » au regard du contexte inflationniste conjugué avec la pénurie de main-d’œuvre : 85 % des établissements ayant des difficultés à recruter (88 % en 2021, 74 % en 2019, 66 % en 2017) même si les prétentions salariales du candidat arrivent en 3e position (48 %) des raisons évoquées. Cela après le manque de candidats disponibles (88 % des établissements) ou un profil inadéquat (67 %). Dans ce contexte l’ensemble de la métallurgie disposera début 2024 d’une convention collective nationale au lieu d’une par union départementale, comme c’est le cas dans la Loire (76 conventions en France). « Ce qui réclame un travail de définition, de reclassification des emplois avec six critères d’évaluation notant les postes de 1 à 10. Or, si 80 % des entreprises de plus der 100 salariés ont fait le job, 60 % des moins de 10 salariés ne l’ont pas commencé. Il y a urgence ! », commente Philippe Rascle.

Faut-il du coup s’attendre à une augmentation généralisée des rémunérations alors même que des coefficients dans certaines unions étaient en dessous du Smic ? « La majorité de nos entreprises paient au-dessus des minimas, assure le président de l’UIMM Loire. Et nous sommes à peu près dans la moyenne nationale. L’impact sur la masse salariale devrait être globalement limité. Mais les grilles déjà négociées sont actuellement revues avec les syndicats en raison de l’inflation. Cependant, il y aura un mécanisme d’amortissement, le droit à un étalement, si la hausse de la masse salariale dépasse les 5 %. » Une évolution qui fait suite à l’extension de l’obligation d’une prévoyance pour les non-cadres début 2023 et qui vient sans doute compliquer un peu plus les capacités à recruter.

L’UIMM Loire continue, elle, à investir des centaines de milliers d’euros par an dans la promotion de ses métiers et à développer les capacités de son CFAI. Car si 72 % des embauches projetés en 2023 doivent se faire t en CDI, 21 % le sont en alternance / apprentissage (+ 2 points par rapport à 2022). Le 25 mai dernier, le job dating annuel de l’UIMM Loire à la Cité des entreprises avait planifié 177 rendez-vous pour 38 entreprises qui aurait pu être près de 70 potentiellement avec plus de candidats. Il n’y en avait que 82 à leur présenter…

*Dont, pour la partie Haute-Loire : 137 pour 1 847 en 2020 et 140 pour 1 846 en 2022.

D’autres éléments issus de l’enquête 2023 de l’UIMM

Le top 7 des postes à pourvoir en nombre et les perspectives d’y parvenir.
  • Sur 2 160 recrutements projetés en 2023, 25 % le sont pour un départ à la retraite (+ 7 points par rapport à 2022 !), 58 % pour développement d’activité.
  • Les recrutements concernent les principaux métiers de la métallurgie : opérateur de production, opérateur régleur sur commande-numérique chaudronnier et technicien de production.
  • Les métiers les plus recherchés par les entreprises en termes de volumes rencontrent tous des difficultés de recrutement plus ou moins sévères. Les métiers de la chaudronnerie soudure et de la maintenance sont ceux où les difficultés sont les plus prégnantes.
  • En 2023, les recrutements seraient tournés essentiellement vers les métiers de la production, à 80 %.
  • Loire Sud concentre 56 % des intentions de recrutement (60 % de l’emploi), puis Loire Centre avec 23% des intentions (16%de l’emploi), Loire Nord 16% (17%) et enfin l’arrondissement d’Yssingeaux représente seulement 4 % des intentions de recrutement (8 % de l’emploi).
  • Les entreprises de l’arrondissement d’Yssingeaux et Loire Centre sont les territoires où les recrutements sont les plus compliqués (taux de chômage à 5 % contre 7,1 % de moyenne nationale).
  • Une entreprise sur trois qui recrute souhaite embaucher une personne en apprentissage. La moitié de ces recrutements concernant le domaine productique / usinage et près d’un quart le domaine de la chaudronnerie/soudure.
  • En 2022, 27 % des recrutements effectués ont concerné des femmes dans un secteur de la métallurgie où elles représentent 20 % des effectifs ligériens actuellement.
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