Ce Plan cancer qui émerge de Saint-Etienne
C’était une promesse de campagne très attendue, à la concrétisation retardée par le Covid se défend la majorité municipale stéphanoise. Le lancement du Plan cancer de Saint-Etienne a été présenté en mairie lundi. Ce n’est cependant pas encore le temps des actions. Mais de leur définition à l’appui du travail préparatoire déjà effectué. Avant une consultation d’acteurs locaux auditionnés selon huit thématiques. Le grand public, lui, sera sensibilisé par un « village prévention des cancers » place Jean-Jaurès vendredi.
« Un Plan cancer, cela a étonné beaucoup de monde, en particulier vous les journalistes. Mais la suite des événements a montré qu’une mairie avait largement sa légitimité sur le sujet. » Pour le candidat de 2020, comme pour le maire de 2022, cela ne fait aucun doute : aux yeux de Gaël Perdriau, la santé est, elle aussi, une compétence qui relève de la municipalité, bien au-delà du complément ou de l’anecdotique. En appuyant les équipements des établissements ou encore en incitant la création de centres de santé pour lutter contre la désertification médicale. Même si cela n’est pas évident à concrétiser à l’image des difficultés de recrutement du Cosem à la place des galeries Dorian et de l’ex-Fnac à Saint-Etienne… Mais en donnant, aussi, une ampleur sans précédente à une politique de prévention déjà existante mais pas forcément fédérée.
C’est sur cet angle-là, auquel il faut ajouter l’accompagnement social et la réinsertion, dimensions « encore trop peu prises en compte », que l’ex-président du comité Loire de la Ligue contre le cancer, le Dr Patrick Michaud, adjoint municipal à la santé travaille avec ses équipes sur ce fameux « Plan cancer stéphanois ». Sa mise en œuvre est encore en cours mais désormais suffisamment avancée pour en parler. Elle doit déboucher sur environ 25 « fiches actions » appliquées au mieux, dès la fin de l’année, au pire, en 2023. « Nous avons naturellement déjà des idées. Parce que des actions de prévention et d’accompagnement – le bus santé par exemple –, des instances existent déjà », rappelle Patrick Michaud.
Un rapport spécifique avec des chiffres à l’échelle de la Loire
On ne veut pas être dans le punitif, la culpabilisation mais dans l’échange, l’accompagnement.
Patrick Michaud, adjoint municipal à la santé
Il s’agit donc de fédérer tout ça, de donner une autre ampleur et de créer de nouvelles initiatives. Un exemple ? « La première cause de cancer, c’est le tabagisme. On peut imaginer des interdictions ou des rappels d’interdiction déjà existantes plus poussées, plus incitatives sur l’espace public, autour des écoles, sur les terrains de sport, projette Patrick Michaud. Après, on ne veut pas être non plus dans le punitif, la culpabilisation, mais dans l’échange, l’accompagnement et avec le sourire malgré le sujet. De toute façon, nous n’en sommes pas encore là. » Du coup, pas de budget dévolu au plan à annoncer non plus à ce stade : « Nous vous le dirons quand nous aurons défini ce que nous allons faire », souligne Gaël Perdriau.
Des consultations de professionnels de santé, de malades, d’associations ont déjà eu lieu. Et un « pré rapport » a été commandé et rendu par le Pr Franck Chauvin, oncologue renom, entre autres, directeur de la prévention et de la santé des populations au CHU de Saint-Etienne. Ce dernier rappelle, dans son éditorial que le cancer présente la particularité d’être lié pour 40 % à des facteurs de risque identifiés et évitables, c’est-à-dire que l’on peut éliminer en ajustant nos modes de vie. Il donne aussi des données épidémiologiques spécifiques et inédites sur les dégâts du cancer dans Loire. Toutes formes confondues, la maladie a tué 7 552 personnes dans le département en 2016 (dernière année où les chiffres sont complètement arrêtés et exploitables). « Quand la Ligue contre le cancer a été créée en 1918, son président parlait de la 4e cause de mortalité, souligne Patrick Michaud. Avec 378 000 cas par an, ce qui représente la moitié de la natalité, c’est de nos jours la première. Tout le monde est concerné. »
Des auditions lancées le 18 mai
Or, « parce qu’elle connaît ses quartiers, ses habitants, ses acteurs, ses associations, pour agir, la commune est l’échelon pertinent ». La Ville de Saint-Etienne poursuit donc l’élaboration de son projet. Place désormais à des cycles d’auditions – cela démarre le 18 mai sur le sport – sur huit thématiques devant déboucher en moyenne sur trois actions chacune : environnement ; précarité ; alimentation ; activité physique ; addiction ; infection ; réinsertion sociale et professionnelle ; parcours de soins. Des discussions qui feront appel aux compétences, sur chaque sujet, de moins de 10 personnes : des membres d’associations, des patients, des professionnels de santé – bien sûr – mais aussi un adjoint municipal en rapport avec leurs délégations et enfin, un élu d’opposition. Une initiative qui fait de Saint-Etienne, « la seule Ville en France à s’en emparer aussi pleinement de cet enjeu », assure la municipalité.
« Et on espère bien inspirer d’autres collectivités. A ce sujet d’ailleurs, France Urbaine (association des agglomérations et métropoles françaises) a créé un groupe de travail à partir de l’exemple stéphanois qui sera présidé par Patrick Michaud », note Gaël Perdriau. Mais avant d’inspirer les voisins, l’objectif est d’abord de susciter l’intérêt de Stéphanois. Une plateforme participative sera en ligne à partir de ce vendredi 13 mai. Ce même jour verra le lancement officiel de l’initiative avec l’organisation d’un rendez-vous grand public « associant l’ensemble des acteurs locaux : habitants, professionnels de santé, associations, structures éducatives, sportives, municipales, etc. » Son programme dense (conférence de Franck Chauvin, tables-rondes, expositions, rencontres, activités physiques, ateliers), se déroulera à partir de 10 h place Jean-Jaurès puis à La Comète à 16 h.
Faire face et dédramatiser
Il sera question de nutrition, soins, bien-être post cancer, activité physique dans une ambiance ludique. « Le mot cancer fait peur. Il faut pourtant faire face et en même temps dédramatiser cette thématique lourde, précise Laura Cinieri, conseillère municipale déléguée à la santé. Il y aura des interludes musicaux, des animations ludiques. » Le président de la Ligue contre le cancer, Daniel Nizri, devrait être là. A l’origine, c’est le regretté Axel Kahn, son prédécesseur, décédé lui-même d’un cancer en juillet dernier, qui aurait dû probablement venir à la suite de premiers échanges avec la Ville de Saint-Etienne il y a quelques années. Programme complet ici.