Sénatoriales bis : dans la Loire, la rupture entre écologistes et socialistes est consommée
Objet de négociations nationales depuis des mois, localement, depuis moins de deux mois, la liste d’union aux élections sénatoriales entre le PS et EELV, pourtant voulue et conclue par les instances nationales, ne se fera pas dans la Loire. Les deux partis présenteront bien chacun leur liste le 24 septembre. Explications.
Ce n’est pas vraiment la meilleure démonstration de « déconcentration », ni de la « représentation respectueuse des territoires de France », censées être l’ADN de la chambre haute. Parmi les départements ayant fait l’objet d’un accord à Paris entre PS et EELV, il y a la Loire, bien qu’apparemment, les responsables locaux des deux partis n’aient pas eu le droit à une information en temps réel ni même régulière sur ces tractations, sans même parler – après tout, pourquoi pas ? – d’y être associés (toute ressemblance avec les législatives n’est pas fortuite). L’accord signé prend en compte le contexte particulier des Sénatoriales et aussi, celui local. C’est-à-dire quels élus sortants et le poids respectif estimé du PS et d’EELV parmi les grands électeurs dans les départements concernés. La gauche n’a paradoxalement pas forcément systématiquement intérêt à partir 100 % unie afin d’obtenir un maximum de représentants au Sénat au regard de cette élection très, très particulière.
Ce qui met la Nupes hors-jeu par rapport à il y a un an et donne lieu, à 2 mois du scrutin, dans la Loire, à ce stade à un grand RAS côté LFI, de toute façon plutôt hostile à l’existence du Sénat. Côté écologistes, une union avec la liste que présentera la sénatrice communiste sortante ligérienne Cécile Cukierman était, elle, d’emblée impossible « en raison des ses positions sur le loi zéro artificialisation », nous expliquait l’élu EELV stéphanoise Julie Tokhi au début de mois. En revanche, les discussions entre son parti et le PS ont, elle, donné lieu, dans une partie des départements, là une tête de liste confiée aux Verts, ici aux Roses. Pour la Loire, les instances nationales s’étaient donc mises d’accord sur une liste commune menée par le sortant socialiste Jean-Claude Tissot avec une place de n°2 à EELV. Accord et ses détails – plus ou moins – connus des intéressés début juin et officialisés le 13 juillet via un communiqué s’en réjouissant… des seuls écologistes d’Auvergne-Rhône-Alpes.
Julie Tokhi mènera une liste pour EELV
Et pour cause : si dans la Loire, si EELV se disait tout à fait favorable quant à s’associer à Jean-Claude Tissot et ses positions aux tonalités vertes, les discussions réellement entreprises localement à partir de juin seulement ont vite mis en évidence de profonds désaccords. La réunion du 16 juin a été un échec total. Les socialistes de la Loire qui ne semblaient n’avoir pas été mis au courant avant cette réunion de cette seconde place à donner aux Verts ont donc, dans la foulée, présenté leur liste le 26 juin et officiellement lancé leur campagne. Une ultime réunion entre socialistes déjà parti en campagne et verts de la Loire le 26 juillet s’est à nouveau soldée par un échec relayé le lendemain par un nouveau communiqué, là encore isolé, d’EELV Aura : « Le PS de la Loire et son candidat Jean-Claude Tissot ont choisi de refuser l’accord national et crée ainsi un liste dissidente repoussant encore un peu plus loin une possible union pour le bien commun. La déception est au rendez-vous. EELV, dans un esprit constructif pour faire gagner la gauche et l’écologie, a tout fait pour permettre l’union lors de cette rencontre. »
La déception est au rendez-vous. EELV, dans un esprit constructif pour faire gagner la gauche et l’écologie, a tout fait pour permettre l’union lors de cette rencontre.
EELV Aura
« Le PS Loire a rejeté tout travail en commun, sans aucune proposition et en maintenant sa position, poursuivent le communiqué. Une fois de plus, les mauvais calculs politiciens qui ont déchiré la gauche depuis trop longtemps ont pris le pas sur la construction d’un projet d’espoir, citoyen, écologiste et social. Une fois de plus, aucune vision d’avenir n’est proposée pour notre territoire. Alors qu’une liste d’union est portée en Isère par le sénateur écologiste Guillaume Gontard, ce dont nous nous félicitons, le PS Loire se cache derrière l’argument qu’une liste d’union perdrait en crédibilité et désorienterait les grandes électrices et grands électeurs. Alors qu’une grande partie des élus de gauche dans toutes leurs diversités appellent à l’union, ce raisonnement est fallacieux. » Présidente du groupe d’opposition « Le temps de l’écologie » à la Ville de Saint-Étienne, Julie Tokhi en prendra la tête. Liste déjà évoquée par cette dernière début juillet parlant de Julien Chanelière (élu EELV de Rive-de-Gier) comme n°2 mais dont on connaîtra, du coup, la composition plus tard.
Question de fonds ?
Contactée vendredi, au lendemain du communiqué publié par EELV Aura, Isabelle Dumestre, elle aussi présidente de son groupe d’opposition Saint-Etienne Demain, à la municipalité stéphanoise et n°2 de la liste de Jean-Claude Tissot a donné de nouvelles explications à If Saint-Etienne sur ce désaccord. « Tout le monde sait que cette position de n°2 n’a aucune chance de vous envoyer au Sénat, nous redit l’élue stéphanoise. Ce n’est donc pas pour cela que nous ne sommes pas parvenus à un accord. Dès le 16 juin, avec EELV, on a compris que l’on pourrait difficilement travailler ensemble, qu’ils n’étaient pas en phase avec nous sur ce que doit défendre et représenter un sénateur dans ce département. Il n’était question de leur part que de cette place de n°2, pas de valeurs partagées, ni de travail. La composition de notre liste était prête dès mars mais nous ne l’avons présentée qu’en juin car oui, nous attendions un éventuel accord. C’est vrai que les discussions nationales à distance et qui ont pris beaucoup de temps n’ont pas aidé. »
Au sujet du Sénat, des sénatoriales et du travail à mener auprès des communes, on ne parle pas la même langue.
Isabelle Dumestre, élue PS stéphanoise
Isabelle Dumestre poursuit : « Au sujet du Sénat, des sénatoriales et du travail à mener auprès des communes, on ne parle pas la même langue. Déjà, EELV ne semble s’intéresser au Sénat qu’en raison d’une élection. Nous n’avons jamais vu un seul de leurs représentants, ne serait-ce qu’une seule fois, à notre vingtaine de réunions de mi-mandat. Et ils ne semblaient vraiment pas prêts à effectuer un travail de fonds, de terrain, des visites auprès de toutes les communes comme nous l’avons fait et comme nous le ferons, qu’il s’agisse de Jean-Claude Tissot en personne ou des colistiers. Je dis bien toutes les communes. La réaction de Laetitia Copin (candidate stéphanoise EELV de la Nupes aux législatives 2022) sur les réseaux au post du maire de Roche-la-Molière à la suite de notre visite illustre parfaitement ce manque d’ouverture. Si c’est ça l’esprit d’union… Une commune, ses élus et ses administrés n’ont pas être boudés par un sénateur en campagne ou non en raison de la couleur politique de leur maire. »
« Nous ne serons pas considérés comme des dissidents »
En fin de semaine dernière, Laetitia Copin commentait en effet sur Facebook le tweet d’Eric Berlivet, maire de Roche-la-Molière, réputé, désormais, membre d’Horizons, allié de Renaissance au sein de la majorité présidentielle, à la suite de la visite de campagne, photo de groupe à l’appui, des socialistes ligériens (comme l’on fait, signalait aussi, Eric Berlivet, la liste LR menée par Hervé Reynaud et « régulièrement » Cécile Cukierman). « Sénatrice du PC, sénateur du PS…vous en êtes arrivés là ? Aller draguer les élus de Macron et Édouard Philippe ? Pour rester sénatrice et sénateur… vous êtes en train de faire une campagne auprès des grands électeurs les plus inégalitaires ! Vous piétinez tout notre travail pour la Nupes, pour vos postes », s’en est indignée Laetitia Copin. S’en sont suivis des échanges électriques avec notamment Johann Cesa, secrétaire fédéral du parti socialiste dans la Loire. Ce dernier arguant que dans une élection comme celle-ci, les candidats rencontrent toutes les communes, côté écologiste aussi.
Jean-Claude Tissot et les membres de sa liste encartés au Parti Socialiste vont-ils du coup subir les foudres nationales de leur parti ? « Non, nous ne serons pas considérés comme des dissidents, assure Isabelle Dumestre. Nous en avons discuté avec nos instances et l’essentiel pour eux était cette répartition des départements, pas à qui doit aller la place de n°2 où là ils ne se considèrent pas autant engagés. Il était hors de question de revenir sur 4 semaines de campagne pour revenir voir les grands électeurs avec des gens qui ne sont pas en phase sur ce que doit faire et être un sénateur. » A priori donc, pas d’ex-communion collective à prévoir, ne serait-ce que temporaire comme celle subie individuellement par l’élu socialiste Pierrick Courbon il y a un an à la suite des législatives. C’était à l’époque de la Nupes… Une autre époque ?