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Pléiades se mue en Scop et se déploie sur de nouveaux marchés

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Jusqu’à 350 personnes travaillent au sein de cette association ligérienne de service à la personne pour environ 3 000 bénéficiaires. Placée en redressement judiciaire, puis en plan de continuation en 2019, Pléiades change de statut en se muant en Scop (Société coopérative et participative) dans laquelle 87 salariés ont investi. Plus qu’une tentative de survie, l’affichage d’un projet de développement d’économie sociale et solidaire pour amplifier ou se positionner sur des marchés autres que l’aide à domicile.  

Une partie des salariés de Pléiades investisseurs réunis cet été en AG à la Bâti d’Urfé. ©Pléiades

80 % en 2018, 65 % aujourd’hui et, selon le plan de bataille, 50 % visés en 2026… Au sein de Pléiades, l’activité consacrée à l’aide à domicile classique, celui conventionné avec le Département, financeur parmi d’autres, et donc au tarif conventionné doit, selon les plans actuels, diminuer proportionnellement. Et bien proportionnellement : il n’est pas question de refluer sur un cœur de métier exercé dans toute la Loire, certes un peu plus sur la moitié nord que dans le sud mais bien partout. Avec un siège social situé à Feurs, ce qui était jusqu’à cet été une association comme l’ADMR cependant de dimension non nationale mais ligérienne comme l’AIMV ou Eléa compte en effet, outre Feurs des implantations à Charlieu, Roanne, Firminy, Saint-Etienne et Saint-Chamond.

C’est donc la diversification que vise le projet économique de Pléiades couplé à sa transformation en Scop officiellement mise en service au 1er octobre. Pléiades, ce sont en moyenne 350 bulletins de salaire mensuels pour environ 300 postes stables. La majorité portant sur de l’aide à domicile de personnes âgées, handicapées mais aussi, outre les fonctions support, des aides-soignantes, des infirmières, des travailleurs sociaux autour de la protection de l’enfance déléguée par le Département à la suite de décisions de justice à l’instar de la Sauvegarde, l’Anef ou de l’Agasef. S’ajoute et enfin de l’accompagnement prénatale ou encore du portage de repas. Quels que soient leurs métiers, tous reviennent de loin. Placée en redressement judiciaire, la Scop est encore sur un plan de continuation accordé à l’association par la Justice en 2019.

L’effet d’aubaine 2020 rattrapé par la réalité

L’enjeu de cette survie dont bénéficient toujours environ 3 000 Ligériens ne semble pas laisser indifférente, au moins dans la forme, les autorités publiques au regard de certains des noms parmi les invités de marque annoncés par la communication à la présentation de son évolution ce mercredi soir. A commencer par Alexandre Rochatte, préfet de la Loire mais aussi Andrée Taurinya, députée LFI stéphanoise, Pierre-Jean Rochette, maire de Boën élu sénateur dimanche ou encore Meryem Yilmaz, déléguée Générale de l’Union régionale des Scop et Scic, structure ayant aidé et accompagné de près le changement de statut et ses levées financières. La présentation, elle, devait avoir lieu à Saint-Etienne-le-Molard, dans l’enceinte de la Bâti d’Urfé, bâtiment aux mains du Département de la Loire… Mais pourquoi Pléiades aurait-elle pu couler ?

Nous avons subi, comme ailleurs, une politique tarifaire encadrée inadaptée. Quand vous perdez 3 € pour chaque heure d’aide à domicile effectuée…

Christophe Damiron, PDG de Pléiades

« Il y a le contexte général et celui particulier, lié. Pléiades, c’est l’aboutissement en 2017 de 60 ans d’histoire au gré des fusions et regroupements. La dernière, il y a 6 ans n’a sans doute pas été très bien gérée : en même pas 2 ans, six équipes dirigeantes se sont succédé en vain. Les fonds propres ont été dilapidés, explique Christophe Damiron, DG, lui depuis fin 2018 et PDG depuis peu. La structure était trop mono activité alors que nous avons subi, comme ailleurs, une politique tarifaire encadrée par les autorités publiques inadaptée. Quand vous perdez 3 € pour chaque heure d’aide à domicile effectuée… Enfin, et ce n’est pas rien, il y avait un personnel terriblement découragé en souffrance à l’image de tout le secteur… » Un plan de continuation obtient le feu vert judiciaire en 2019 avec des économies effectuées sur les fonctions support. 2020, le confinement épisode 1 et ses mesures exceptionnelles donnent paradoxalement lieu à un coup de main, un « effet d’aubaine » entre chômage partiel, PGE, compensation de chiffre d’affaires.    

87 salariés ont investi un mois de salaire

Effet vite rattrapé par la réalité. « On a eu une contamination parmi les 200 salariés restés sur le terrain de mars à août 2020 en parvenant à très réactif sur les équipements de protection (masques, charlottes etc.), souligne Christophe Damiron. Puis ce fut 60 arrêts maladie de septembre à décembre, 95 en 2021, 150 en 2022… A cause du Covid oui, à cause de l’épuisement largement aussi de notre personnel investi et donc sursollicité. » L’éclairage médiatique de ces premières lignes envoyées au casse-pipe social et économique bien avant l’irruption du Covid a fait bouger d’autres lignes depuis. A défaut d’être uniforme et suffisante, une augmentation relative des rémunérations des aides, alliée à une révision des tarifs encadrés du secteur conventionné permettant de retrouver un équilibre économique sur cette activité. Reste que la dette – 3 M€ liés au plan de continuation à honorer sur 10 ans – pèse lourd sur Pléiades vis-à-vis de son chiffre d’affaires (10 M€ en 2019/2020).

Au point, où en 2022, la gouvernance associative avertit : ça ne pourra plus continuer. Dès le début de l’an passé, celle-ci met sur la table l’option Scop, la seconde étant une fusion-absorption. Après des dizaines de réunions successives et avec l’accompagnement de l’Urscop, la première est retenue (« le projet coopératif, porté par l’équipe de direction, a reçu le soutien de plus de 80 % de l’ensemble de salariés ») avec, donc environ 87 salariés investisseurs qui restent salariés et auront, grâce à un mois de salaire versé et le feu vert judiciaire cet été, désormais voix au chapitre de la gouvernance. « Ensemble, ils réunissent 150 000 €, auxquels viennent s’ajouter 200 000 € investis par Transméa, la société de capital investissement dédiée à la reprise d’entreprise par les salariés, 250 000 € de France Active, 200 000 € de Socoden, 400 000 € du Crédit Coopératif et 150 000 € de la Scic 3 Colonnes* », énumère Pléiades. Soit un plan de financement global, en grande partie obtenu grâce à l’Urscop, de 1,35 M€.

Portage de repas, conciergerie et transport adapté

De quoi investir pour que Pléiades n’ait plus à collectionner les déboires sans pour autant devoir incessamment alimenter les retours sur investissements trop avides de tiers actionnaires. « Nous souhaitons nous diversifier à partir de services dont beaucoup déjà assurés grâce à des besoins clairement identifiés, annonce Christophe Damiron. Cette somme doit servir à cela avec l’objectif d’atteindre, dès l’exercice 2024/2025, 12 M€ de chiffre d’affaires. » Premier axe de développement : les portages de repas, activité d’ailleurs déjà en hausse (+ 70 % de 2020/21 à 2022/23, passée de 40 à 100 repas par jour) mais cantonnée au Roannais en partenariat avec le traiteur Grisard. « On va l’étendre, dans un premier temps, fin 2023-début 2024 sur le Forez avec un autre traiteur tout en continuant avec celui du Roannais. Oui, on sera un peu plus cher que certaines grandes sociétés bien connues. Mais plein de gens sont prêts à mettre une dizaine d’euros dans un bon repas complet le midi plus qu’un mauvais pour un peu moins. Nous avons sondé : les besoins sont là. »

Comme celui, aussi d’un service de conciergerie en partenariat avec des petites entreprises locales visant des personnes âgées, pas forcément dépendantes mais, par exemple, peu motivées à faire avancer l’entretien du jardin, du bricolage nécessaire à la maison, etc. Service officiellement lancé au 1er octobre, comme la Scop d’ailleurs. Autre idée : une offre de transport adaptée (en partenariat avec des structures sœurs partenaires comme Eléa dans le Gier) et donc moins chère que les taxis pour des bénéficiaires (loisirs, santé, administration), pourquoi pas combinables avec le déplacement des salariés pour les prestataires. Il y a enfin, l’idée de développer une offre de crèches. Mais d’abord dans un premier temps, pour ses seuls salariés au planning par nature si chaotique, et – trop – changeant. Alors que l’activité actuelle et les ambitions de Pléiades l’amènent à annoncer le recrutement d’une soixantaine de postes, améliorer les conditions de travail est au cœur de la démarche, assure Christophe Damiron.    

Les conditions de travail sur la table

A commencer par le rythme, en essayant d’assurer des demi-journées off sûres et certaines, là ou une trentaine d’heures peuvent couramment et inégalement se repartir sur sept jours dans cet univers professionnel, sans compter les improvisations d’horaires incessantes pour ne pas abandonner un bénéficiaire à son sort quand un salarié manque à l’appel. C’est aussi une question de rapport avec la hiérarchie, les collègues, d’esprit d’équipe. Matériellement, surtout, de prise en compte du transport, et évidemment de salaires. « A ce niveau, ça va – un peu – mieux avec + 25 % de moyenne liée aux décisions nationales. A Pléiades, on est un peu au-dessus de la moyenne nationale un salaire moyen (tous postes de la société confondus, Ndlr) de 2 000 € bruts pour un équivalent temps plein », argue Christophe Damiron.   

* L’équipe travaille également à joindre son expertise à l’offre de viager solidaire de la Scic Les 3 Colonnes, dans le but de créer une solution d’Ehpad à domicile qui fait tant besoin aujourd’hui.

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