Saint-Étienne
dimanche 28 avril 2024
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Saint-Etienne est 7e dans le classement « Nos villes vertes » : quelle valeur lui donner ?

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« Oui, Saint-Étienne, ville verte, ville nature, ville durable est bien une réalité », en a immédiatement déduit à l’adresse de ses détracteurs le maire Gaël Perdriau dans un communiqué publié aujourd’hui. Ce type de classement faisant le jeu des arguments marketing et de la compétition entre grandes villes françaises appelle à la méfiance : ils occultent très souvent nuances et réalités au bénéfice du buzz. Nous avons donc obtenu des précisions de la part de Kermap, l’entreprise rennaise derrière cette énième hiérarchisation.

Zone bien végétalisée au sein de Saint-Etienne. ©Ville de Saint-Etienne / Fabrice Roure

Le sujet revient systématiquement sur la table ou presque des conseils municipaux de Saint-Etienne. Et ce n’est pas la fermeture des serres municipales qui risque de faire machine arrière au débat… D’un côté, des élus d’opposition qui allument la majorité sur ce qu’ils considèrent comme des vagues récentes, successives et injustifiées de « tronçonnage » des arbres en ville. Et bien au-delà, une politique de végétalisation du milieu urbanisé qu’ils jugent à Saint-Etienne très, très en deçà du défi posé par le réchauffement climatique. De l’autre, une majorité qui défend ses initiatives en la matière, clamant carrément dans un communiqué publié ce mercredi par la voix du maire Gaël Perdriau que « la politique de nature en ville et de biodiversité n’a jamais été aussi importante à Saint-Étienne que ces dernières années ».

Exemples bien choisis à l’appui : le forum de Montreynaud totalement végétalisé et récemment primé au niveau national, l’îlot Rondet et prochainement, le parc de la Cartonnerie ou le futur jardin d’Eden en lieu et place de la friche de l’ancien cinéma Eden fermé en 2003. « Après l’obtention de la 3e fleur, notre travail sur les jardins partagés et les jardins familiaux, sur l’entretien et la création d’espaces verts, sans oublier nos forêts, les résultats de ce classement démontrent à nouveau que nous sommes sur la bonne voie et que nous n’avons rien à envier à d’autres communes pourtant régulièrement citées en exemple », poursuit Gaël Perdriau ajoutant dans la balance l’objectif « qui sera tenu » de « planter d’ici 2026 4 000 arbres » (sans toutefois dire combien seront parallèlement tombés. MISE A JOUR : la Ville nous précise ce vendredi 20 juillet qu’il s’agit du nombre de plantation déduit des abattages), au moment d’évoquer cet énième classement thématique entre cités françaises.

14 points sous la moyenne pour la végétalisation globale

Car si la la municipalité a particulièrement parlé ce mercredi de végétalisation en ville, ce n’est pas seulement en raison de l’ardent contexte estival, ni même parce qu’une nouvelle initiative vient d’être présentée. Mais parce qu’elle relaie le classement « Nos villes vertes », publié et établi, cette fois-ci, non pas par un média national espérant lever depuis Paris l’intérêt en « régions » avec un classement ciblé. Mais par l’entreprise rennaise Kermap. Saint-Etienne y est classée 7e sur 31 villes dites « intermédiaires », c’est-à-dire entre 100 000 et 200 000 habitants intramuros. Un signe effectif aux yeux du maire que sa politique en la matière est bien sur le bon chemin. A l’adresse évidente de son opposition socialiste et écologiste, il ne manque d’ailleurs pas de souligner que Clermont-Ferrand – dirigée par la SFIO puis le PS depuis 1944 – et Grenoble (avec l’écologiste Eric Piolle pour maire depuis 2014) sont derrière Saint-Etienne : respectivement 27e et 31e.

Extrait du site www.nosvillesvertes.fr ; photo IGN.

Avec ses 28 % de sa « zone urbaine » boisée, si on ajoutait les 11 villes de plus de 200 000 habitants, bénéficiant d’un classement à part, Saint-Etienne serait même 9e ex-aequo avec Marseille sur les 42 municipalités françaises d’au moins 100 000 habitants. En cumulant les plus des 100 000 habitants et les « villes moyennes » (50 000 à 100 000), elle serait 38e ex aequo sur 129 communes. Positif aussi : sa surface arborée en milieu urbain est de 2,6 points supérieurs à la moyenne de l’ensemble des communes de France selon ce classement. Négatif, en revanche, sa « végétalisation » (arbres et herbacés confondus), avec 44 % de sa surface est inférieure de 14 points à cette même moyenne nationale. Si on ajoute la « campagne », celle de son seul territoire (et pas de tout Saint-Etienne Métropole), ce qui signifie l’ensemble de la superficie de la ville, le pourcentage des zones arborées monte à 45 %, soit 11 points de plus que la moyenne nationale.

Seules les zones plus ou moins urbanisées auscultées

Ce qui n’a rien d’étonnant puisque Saint-Etienne a l’atout de s’étendre loin au sud dans le Pilat et celui encore de posséder Saint-Victor-sur-Loire au bord des Gorges de la Loire, « quartier-commune » représentant un quart de ses 80 km2. Dijon, par exemple, dans un contexte géographique et agricole totalement différent est logiquement à seulement 23 %. Derrière ce classement, Kermap donc. Nous avons contacté l’entreprise bretonne qui nous a volontiers donné des précisions. Si elle cherche à l’évidence de la notoriété via ce type de classement, vitrine exposée gratuitement de son savoir-faire , « nous sommes un cabinet d’aide à la décision pour les collectivités, l’agriculture, les entreprises, basé à Rennes et créé il y a 5 ans. Nous travaillons des données géographiques prises par satellites et photos aériennes permettant de cerner l’évolution de la végétation, des cultures etc. », explique Yann Daoulas, responsable communication et marketing. Son classement des villes vertes en est à sa 2e édition mais avec une méthodologie radicalement différente donc difficilement comparable avec la précédente.

La fiche de Saint-Etienne sur le site www.nosvillesvertes.fr

Sinon, Saint-Etienne pourrait aussi se targuer d’une progression de 6 % de sa surface arborée en milieu urbain par rapport à 2019 mais « comme presque toutes les villes », avertit Yann Daoulas. Kermap qui s’est du coup bien gardé de publier ce qui ne serait pas une réelle comparaison, parle en effet bien du pourcentage arboré des « zones urbaines ». Cela même si l’ensemble de la superficie des villes est notifiée dans le classement. Ce sont donc des zones témoignant d’un bâti jugé significatif et non l’ensemble de la superficie stéphanoise (80 km2), campagne comprise, qui sont auscultées. Soit les secteurs plus ou moins artificialisés – de l’hyper centre jusqu’aux hameaux isolés – cadrés selon la définition « du référentiel standard européen Corine Land Cover retrouver ici pour ceux qui maîtrisent la langue de Shakespeare, sinon ici en français mais via Wikipedia). » Kermap n’a pas pu nous préciser ce que cela représentait sur l’ensemble des 80 km2 de Saint-Etienne.

Neuf autres villes de la Loire ont été classées

Reste que sa méthodologie semble plus scientifique et solide comparativement à certains classements médiatiques et vite communiqués par les collectivités quand ils leur sont favorables. Les pourcentages de superficie arborés et herbacés est en effet établi à partir d’images satellites et des photographies aériennes de l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière) d’une précision de 20 cm, Kermap étant membre du réseau Datalliance de l’IGN. Un travail cartographique mené par l’établissement public coûteux qui ne se réalise pas massivement en une fois, mais par à-coups, sur 2 ans en fonction des budgets disponibles. Ainsi ce classement a été réalisé à partir d’une data réalisée de 2020 à 2022. Pour Saint-Etienne, c’était en 2022.

Il n’y a d’ailleurs pas que Saint-Etienne parmi les villes de la Loire qui apparait dans les classements de Kermap : un classement des petites villes, que l’entreprise a défini entre 10 000 et 50 000 habitants, a aussi été établi. Selon sa méthodologie, Rive-de-Gier et Le Chambon-Feugerolles, avec 27 % de surface arborée en zone urbaine, y sont classées 411e ex-aequo sur 894. Suivent Saint-Chamond et Saint-Just-Saint-Rambert (26 %, 452e ex-aequo), Firminy (25 %, 505e), Riorges (24 %, 554e), Montbrison (20 %, 768e), Roanne (19 %, 799e) et Andrézieux-Bouthéon (17 %, 850e).

Et en mètres carrés par habitant, ça donne quoi ?

Le classement de Kermap peut aussi se lire en mètre carré arboré disponible « en zone urbanisé » par habitant. Et là, en privilégiant ce critère, le classement des ces neuf communes ligériennes n’est plus le même : Riorges devient 158e sur 894 avec 164 m2 par administré, Andrézieux-Bouthéon 183e avec 156 m2 par habitant. Suivent Saint-Just-Saint-Rambert 225e avec 143 m2, Le Chambon-Feugerolles 340e avec 117 m2. Puis Montbrison (400e ; 108 m²), Rive-de-Gier (524e ; 91 m²), Saint-Chamond (582e ; 84 m²), Firminy (637e ; 76 m2) et enfin Roanne (698e ; 68 m2).

Si on revient à Saint-Etienne, avec 58 m2 arborés en zone urbaine par habitant, la ville passe dans son classement spécifique de la 8e à la 11e place sur 31, le trio de tête dépassant les 125 m2 par habitant. Sachant que, de la 5e place à la 17e, la fourchette oscille entre 50 et 66 m2. Que l’on dresse en exemples ou repoussoirs, avec ou sans nuances, là encore Clermont-Ferrand et Grenoble sont mal classées en étant respectivement 24e (38 m2) et 28e (21 m2)… Si on ajoute les villes de plus de 200 000 habitants à celles de 100 000, Saint-Etienne resterait à sa 11e place sur 42 (Nice est 1ère des très grandes villes avec seulement 53 m2 par habitant). La capitale de la Loire serait 55e si on fait le classement à l’échelle des 129 villes de France peuplées d’au moins 50 000 habitants.     

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