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Le 8e plus grand musée de France va investir Saint-Chamond

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Il y a, certes, du retard par rapport aux plans annoncés fin 2021 mais qu’importe au regard de l’ampleur du projet désormais sur les rails. L’une des dernières vastes halles inoccupées de Novaciéries, ex site Giat, à Saint-Chamond doit accueillir à l’été 2024 un vaste musée privé consacré à l’art urbain. Portée par la même holding derrière le succès du Mausa Vauban à Neuf-Brisach, en Alsace, l’implantation dans ces 8 000 m2 à 10 000 m2 en fera, au moins, le 8e musée de France en superficie.

L’aspect actuel de la Halle 07, au centre de Novaciéries, avec sa partie nord de 8 000 m2 appartenant à Saint-Etienne Métropole. ©Ville de Saint-Chamond.

« C’est ça ! C’est exactement ça que je veux ! » En cet automne 2019, personne n’avait pourtant pensé que la Halle 07 de Novaciéries pourrait illuminer Stanislas Belhomme. Trop grande a priori, trop compliquée, pas là pour ça… « Jusque-là, tout le monde lui donnait une vocation économique dans la continuité de ce qu’elle avait été. Mais les pistes sérieuses étaient toujours peu pourvoyeuses d’emplois », constate Hervé Reynaud, maire de Saint-Chamond et 1er vice-président Saint-Etienne Métropole. Parmi les autres bâtiments disponibles, la collectivité via Cap Métropole, sa société d’aménagement en charge du site, lui propose à la place la halle 39 : environ 2 500 m2 situés rue Pétin-Gaudet à quelques centaines de mètres.

Déjà derrière le Musée d’Art urbain et de street art, dit le « Mausa » Vauban à Neuf-Brisach, cet « entrepreneur de la culture » qu’est Stanislas Belhomme souhaitait reproduire une thématique analogue du côté de la région lyonnaise dont il est originaire autour de l’art urbain sans pour autant faire un copié/collé. Mais espérant en revanche reproduire la même efficacité et le même succès d’une structure culturelle ex-nihilo poussant désormais, assure-t-il, les pouvoirs publics à vouloir lui confier le devenir de certaines des friches dont ils doivent gérer l’héritage. C’est dans cette perspective que l’agence publique de prospective économique de la région lyonnaise (qui a « intégré » les activités de celle de la Loire, l’Adel 42, disparue il y a quelques années) l’invite il y a plus de 4 ans à en visiter quelques-unes situées dans la capitale des Gaules et son agglomération. En vain : rien ne correspond à ce qu’il cherche.

« Et là, c’est quoi ? »

L’Aderly contacte alors Cap Métropole qui, logiquement, songe immédiatement aux halles de Novaciéries encore non occupées. Si ses dizaines d’hectares ont déjà alors pris l’aspect actuel, le temps de chien inhabituel pour un mois de novembre du XXIe siècle qui accompagne la visite est peu amène à une balade promotionnelle. Stanislas Belhomme n’en a cure : il ne cherche ni du pré mâché, ni la facilité. Mais un lieu suffisamment vaste et conforme à ses idées pour ouvrir un nouveau musée. C’est, lui, qui en repartant de la halle 39 montre du doigt la 07, autrement plus imposante et visible de loin avec ses 150 m de long, ses 17 m de hauteur sous plafond : « Et là, c’est quoi ? ». Joseph Perreton, directeur de Cap Métropole se souvient très bien : « On avait les clés avec nous. Alors, nous avons pu immédiatement aller sur place pour lui montrer l’intérieur. »

Il s’agit de faire admirer 8 000 m2 dont la collectivité mère est ici propriétaire sur un ensemble gigantesque de 16 000 m2 en plein cœur du parc Novaciéries, face au skate park. A l’angle du tènement se dresse l’immense cheminée conservée. Le coup de foudre est immédiat. La conviction aussi : le 3e musée1 des créateurs du Mausa se fera ici. C’est en 2018 que Stanislas Belhomme, formé à l’Ecole du Louvre, passé par le monde de la communication, la publicité ou encore la presse quotidienne locale en tant que directeur des ventes avant de devenir collectionneur et agent d’artistes, a co-lancé en Alsace le Mausa au sein de la Cité Vauban (le grand architecte militaire de Louis XIV) de Neuf-Brisach. Une petite cité de même pas 2 000 habitants au sud-est de Colmar bordant le Rhin et donc la frontière allemande. Son pari ? Rendre accessible l’art urbain, sinon « street art » au gré des sensibilités et volonté d’appellations, dont les Stéphanois Ella & Pitr ou encore Oakoak, entre autres, portent localement l’étendard.

L’art urbain « pour tous »

Cela en s’appuyant au sens propre et figuré sur l’architecture particulière des lieux majestueux, comme la hauteur des murs de la Cité Vauban de Neuf-Brisach, classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Pari réussi : « Si on se penche sur les chiffres de l’office de tourisme (Stanislas Belhomme a été vice-président de l’OT Pays Rhin-Brisach de 2021 à 2022, Ndlr), on est passé de 5 000 visiteurs annuels à Neuf-Brisach avant le Mausa, à 140 000 selon les derniers chiffres, assure Stanislas Belhomme à If Saint-Etienne. Une fois que nous avons les clés, nous fonctionnons ensuite en auto-fonctionnement y compris financier, en tant que locataires, sans subventions. D’où l’intérêt des pouvoirs publics. Je suis le PDG d’une SAS, une holding contrôlée par nos associations (le « droit alsacien » différant de la loi 1901, l’extension hors Alsace en a exigé la création d’une seconde, Ndlr) : il n’y a aucun objectif lucratif, une petite partie de nos bénéfices est reversée à des œuvres caritatives. Le reste à investir. »

Nous maîtrisons qui nous exposons déjà : si une collectivité me dit ok, mais nous, on veut un tel… c’est non ! Il ne s’agit pas de faire plaisir à des politiques mais au public.

Stanislas Belhomme, co-créateur du Mausa

Pourquoi un tel succès ? « Parce que nous maîtrisons qui nous exposons déjà : si une collectivité me dit « ok, mais nous, on veut un tel »… c’est non ! ». Il ne s’agit pas de faire plaisir à des politiques mais au public. Nous rendons cet art réellement accessible au plus grand nombre quand il est souvent cantonné aux grands musées.» Loin de certaines conceptualisations fumeuses qui accompagnent parfois les œuvres, « avec nous, c’est simple et ça ne fait pas peur à un public qui a habituellement le réflexe de se dire que ce n’est pas pour lui. Il y a 30 % de seniors dans notre fréquentation. On mise à fond sur la médiation, la transmission avec des expos où l’on peut voir l’artiste à l’œuvre, échanger avec lui. Mais aussi avec nous. Quand les représentants de Métropole sont venus nous voir au Mausa, je les ai faits attendre un petit moment parce que je donnais un coup de main à mes employés pour guider et informer des visiteurs. L’idée est de faire tout cela en s’appuyer sur de belles architectures, voire spectaculaires. »

Vers le musée le plus fréquenté de la métropole ?

Or, justement, la halle de Saint-Chamond et « les waouh ! » qu’elle ne manque jamais de provoquer à chaque coup d’œil avisé serait l’écrin parfait pour ça. « Oui, je suis très, très confiant sur le succès du projet. Et je sais très bien où je mets les pieds : je suis le fils d’un industriel de Rive-de-Gier. Vous savez, à Neuf-Brisach, c’est un contexte différent mais on me demandait aussi ce que je venais y faire avec les mêmes idées. Avec le recul, ce qui a d’intéressant au niveau de la fréquentation, ce n’est pas seulement le nombre, c’est aussi le fait que nos visiteurs viennent spécifiquement pour le Mausa avant de se rendre comme touriste ailleurs et non le contraire. Nous ne sommes pas une activité supplémentaire pour des gens en séjour en Alsace. » A environ 10 € l’entrée plein tarif – sans compter une partie ouverte gratuitement de 1 200 m2 –, 45 km de Lyon, 12 de Saint-Etienne, il y a des chances que la venue d’artistes internationaux – « des gens que l’on ne voit pas en France » – promis, à défaut d’être révélés à ce stade, par Stanislas Belhomme attire toutes sortes de chalands. Au point donc de parvenir à faire mieux, bien mieux même, que le plus fréquenté des musées de Saint-Etienne Métropole, le Musée d’Art Moderne et contemporains (MAMC+) et ses 60 000 visiteurs annuels au meilleur de sa forme.

Oui, je suis très, très confiant sur le succès du projet. Et oui, je sais très bien où je mets les pieds : je suis le fils d’un industriel de Rive-de-Gier.

Stanislas Belhomme, co-créateur du Mausa

Il s’agira d’expositions thématiques géantes aussi spectaculaires que temporaires. L’accord a été signé en mars dernier entre Cap Métropole et la holding derrière le Mausa qui va investir 500 000 € dans les lieux et recruter une dizaine de personnes. Les travaux d’aménagement ont commencé dans la foulée avec un retard d’un peu plus un an par rapport aux annonces de fin 2021, la faute « aux difficultés administratives et réglementaires, aux incertitudes économiques à la sortie du Covid », explique à If Cap Métropole. Les travaux d’aménagement à sa charge, eux, sont passés de 8,16 M€ TTC à 9,85 M€ TTC, inflation oblige. « Ils bénéficient cependant d’une subvention du fonds friche dans le cadre du Plan de relance de l’Etat pour 1,5 M€, note Hervé Reynaud. Les travaux que nous allons mener consistent au désamiantage, au déplombage du bâtiment, à la restauration de la toiture et des façades, à l’éclairage bien sûr dans le respect du caractère patrimonial du bâtiment. » Il s’agit aussi de l’implantation de boxes à l’intérieur du bâtiment pour le fonctionnement du futur établissement.

« A mes yeux, ce musée est déjà ouvert »

Vue sur la Halle une fois rénovée. A noter qu’il devrait proposer un bar / petite restauration. ©Silt Architectes / Cap Métropole

« Novaciéries mixte les activités économiques, commerciales et de loisirs. Cela fait sens, d’autant que la Ville est engagée depuis 2014-2015 dans une démarche de promotion du street art à l’image du barrage peint par Ella et Pitr », souligne Hervé Reynaud. Le chantier doit impérativement être achevé en juin 2024 pour une ouverture envisagée au cours de l’été suivant. Il s’agira alors, au moins, du 8e musée de France en termes de superficie. « Au moins » car il pourrait passer à la 6e place si 2 000 m2 s’ajoutent aux 8 000 déjà assurés. Un paramètre qui dépend de décisions financières, voire juridiques, à propos de ces 2 000 m2, propriété d’une entreprise en liquidation. « Nous parlons de la halle 07, mais c’est un grand ensemble imbriqué, occupé donc, en grande partie par l’entreprise Pichon sur 6 ou 7 000 m2. Entre elle et nos 8 000 m2, il y a donc ces 2 000 m2. Ce qui est certain, c’est l’intérêt architectural et technique de cette halle de 1898 conçue non par un architecte mais par les ingénieurs même des Forges et aciéries de la marine », précise de son côté Joseph Perreton.

Pas de problème d’ailleurs du côté ABF, architecte des bâtiments de France, l’aspect extérieur étant préservé et valorisé, à l’image du dossier de rénovation l’Hôtel Dieu à Saint-Chamond dans lequel est déjà intervenu le cabinet lyonnais Silt, engagé dans un groupement2 pour la rénovation de cette halle 07. Les travaux qui seront effectué ne sont pas irréversibles : il sera encore possible, en cas d’échec de revenir à une destination économique. C’est ce qui explique pourquoi la société de Stanislas Belhomme s’est engagée à louer les lieux pour 3 ans. Et non davantage. « Les pouvoirs publics ont besoin d’assurer le coup, c’est logique, commente ce dernier. Je salue d’ailleurs le professionnalisme et la réactivité de me interlocuteurs. Mais notre objectif est bien de pérenniser cette implantation. Je n’ai aucun doute sur son succès. A mes yeux, à ce stade du cheminement, ce musée est déjà ouvert… » L’entrepreneur dit déjà recevoir des CV pour travailler au sein de cette cathédrale industrielle en passe d’être consacrée au culturel.

1 Parallèlement à celui couramiaud, un autre projet est en chemin à Bitche en Moselle.

2 La maîtrise d’œuvre est le groupement SILT Architectes / Batiserf / Nicolas Ingénieries / Bureau Michel Forgue.

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